lundi 17 décembre 2007

Eduquer, c'est accompagner


Instruire, c’est communiquer des savoirs, des savoir-faire, mais aussi des valeurs. Une information n’est pas une connaissance. L’information est comme un iceberg dans une mer d’ignorance. Apprendre c’est maîtriser un ensemble d’informations qui constitue un savoir. Un savoir, c’est une architecture qui donne sens à l’information. Savoir, c’est vérifier la connaissance. Savoir, ce n’est pas un acte d’accumulation, c’est un acte d’élagage, acquérir la simplicité de l’essentiel. Ce n’est pas ajouter du nouveau à l’ancien, c’est changer de regard. Un savoir se traduit dans l’action. Autrement cela ne reste que de l’érudition .

La connaissance c’est ce qui nous rend libre et davantage solidaire des autres. Les opinions et les croyances divisent alors que le savoir universel est partageable par tous.
Apprendre, c’est aller à la rencontre des autres. Quand on est perdu dans le labyrinthe, il faut s’élever pour voir les différents chemins possibles. Maîtriser c’est apprendre à voir le labyrinthe par dessus.
S’instruire, c’est sortir de ses particularismes, apprendre à penser par soi-même, à décider par soi-même, à faire des choix, à devenir autonome. L’intuition est une germination. On y voit plus clair sans savoir précisément le bon chemin.

Qu’est-ce qu’une vision humaniste ? C’est une éducation qui vise à potentialiser la part d’humanité présente dans l’individu. Dans ce cas l’acte éducatif n’est pas un acte qui vise à conditionner l’enfant, à le subordonner à un modèle mais au contraire un acte qui vise à faciliter, à promouvoir, à étoffer toute cette humanité dont l’enfant est porteur. L’ambivalence du verbe élever un enfant est à la fois de l’ordre de l’élevage, au sens strict du terme, c’est-à-dire lui apporter les soins qui sont nécessaires à sa survie et à son développement, mais élever c’est aussi de l’ordre de l’élévation. Quand on respecte quelqu’un, qu’il se sent reconnu, qu’il sent qu’il existe pour les autres, qu’il peut se réaliser dans son travail à travers des initiatives, il a une motivation et une efficacité accrues. L’origine du mot pédagogie était liée à l’esclave qui accompagnait les enfants sur le chemin de l’école. J’en retiens surtout que c’est un art de l’accompagnement. C’est accompagner sur le chemin du savoir comme autrefois on accompagnait sur le chemin de l’école.

Enseigner, ce n’est pas faire, c’est savoir faire-faire. C’est déclencher un processus actif chez l’élève qui lui permette de comprendre. Comprendre c’est être capable d’établir une relation. L’intelligence, c’est la mobilité intérieure. Chassez l’habituel, il revient au galop. L’éducation fait plus référence à des valeurs qu’à des savoirs. Eduquer, c’est conduire vers, c’est accompagner. L’éducation est au service de l’instruction. La socialisation n’est pas un processus d’uniformatisation, c’est un processus d’individuation.
La règle change selon les personnes et les situations. La règle est du domaine du particulier et non de l’universel.
La loi s’applique à tout le monde. Sa fonction est d’interdire.
La norme restreint la liberté autour de la seule façon de faire. Elle exclue toutes les autres possibilités.

Eduquer, c’est structurer une personnalité, c’est dresser des limites, savoir dire non. L’éducation c’est la parole tenue. La relation éducative, c’est la relation à un sujet. Cela suppose, d’une part, que l’on reconnaisse le sujet comme tel et, d’autre part, qu’on lui reconnaisse une sphère d’initiative et de proposition. Cela suppose une relation de négociation et une relation partenariale. L’éducation doit savoir conjuguer les apprentissages nécessaires et le plaisir à les réaliser, à les réinvestir. Respecter quelqu’un, c’est être suffisamment à distance pour reconnaître sa sphère d’évolution propre. Ce n’est pas empiéter sur son imaginaire, sur son corps, sur sa façon de faire. C’est lui apporter sa part d’oxygène existentielle. Eduquer, c’est développer le lien humain. Ce qui est important, ce n’est pas le résultat, c’est le cheminement.

Extraits d'une conférence de Gérard Guillot, philosophe de l'éducation, CND Lyon mai 1999