



J’avais vu « la montagne sacrée » à sa sortie en France en 1971. Dans ce contexte de « flower-power », le jeune homme que j’étais (j’avais à peine vingt ans) avait été à la fois dérouté et enthousiasmé par l’imagination débridée et les délires visuels de Jodorowsky, cinéaste surdoué en quête d’Absolu.
Ce film (enfin réédité dans une version restaurée) n’a rien perdu de sa verve irrévérencieuse et d’une liberté de ton qu’on imagine difficilement aujourd’hui. (Il avait été largement financé par John Lennon).
« Avec « La montagne sacrée », j’ai essayé de faire un film qui aurait la profondeur d’un évangile ou d’un texte boudhiste » confiait Jodorowsky.
Spectaculaire, délirant, hypnotique, psychédélique, baroque, mystique, surréaliste, provocateur, sans limites, Bunuelien (on pense aussi à ses amis Arrabal et Topor avec lesquels il fonda le Groupe Panique), ce film qui entremêle religion, obscénité, violence, sexisme, dans un univers onirique et poétique n’en est pas moins un chef-d’œuvre métaphysique inégalé.
Ce conte initiatique (sans dialogues, hormis les paroles prononcées par le maître alchimiste Jodorowski en personne) raconte l’histoire d’un homme (sosie du Christ) qui va apprendre à « transformer sa merde intérieure en or ». Pour cela il devra, avec 7 autres maîtres-disciples représentant la puissance du monde solaire (Mars, Vénus, Saturne, Jupiter, Uranus, Neptune, Pluton) partir à la recherche de la « montagne sacrée » afin d’y déloger les 9 immortels, prendre leur place et s’assurer ainsi l’immortalité.
Caricature cynique de nos sociétés de consommation et de nos régimes totalitaires (religion, fascisme, technologie, armement, sexisme) que l’on retrouve au « Panthéon Bar » des souvenirs, ce film est porteur d’un tel délire transgressif qu’il reste une expérience troublante, dérangeante, qui vous marquera longtemps.
La dernière séquence du film ( jugée parfois décevante, mais rassurez-vous je ne vous la raconterai pas !) renvoie le spectateur à sa propre réalité ( celle qui est en chacun de nous). Elle nous laisse deviner que Jodorowsky, personnage hors normes, n’est pas dupe de l’histoire qu’il raconte. Elle nous donne envie de relire « La tricherie sacrée » (réédité en 2004) dans lequel l’auteur se confie à Gilles Farcet. Et l’on comprend mieux alors qui se cache derrière l’icône Jodorowky, maître es-Tarot et auteur d’ « Un Evangile pour guérir ». Hallelujah !