En écho à la marche dans le désert Algérien et au voyage intérieur qui nous est si bien conté sur le blog d'ipapy, je me rappelle cette ballade que nous fîmes un matin de novembre, à l'assaut des dunes d'Erfoud dans le Sud Marocain. A la lueur des torches, nos pieds s'enfonçaient dans le sable endormi. Le soleil se profilait à l'horizon. Notre jubilation était à la mesure de la beauté envivrante qu'offrait cette mer de dunes au parfum d'infini.
Nul ne saurait mieux décrire ce voyage hors du temps que Jean-Marie Le Clézio qui ouvre ainsi son roman "Désert":
Ils sont apparus comme dans un rêve, au sommet de la dune, à demi cachés par la brume de sable que leurs pieds soulevaient. Lentement ils sont descendus dans la vallée, en suivant la piste presque invisible... Ils marchaient sans bruit dans le sable, lentement, sans regarder où ils allaient. le vent soufflait continûment, le vent du désert, chaud le jour, froid la nuit. Le sable fuyait autour d'eux, entre les pattes des chameaux, fouettait le visage des femmes qui rabattaient la toile bleue sur leur yeux... Le soleil était encore haut dans le ciel nu, le vent emportait le bruit et les odeurs. La sueur coulait lentement sur le visage des voyageurs et leur peau sombre avait pris le reflet de l'indigo, sur leur joues, sur leur bras, le long de leurs jambes... Il n'y avait rien d'autre sur la terre, rien, ni personne. Ils étaient nés du désert, aucun autre chemin ne pouvait les conduire. Ils ne disaient rien, ils ne voulaient rien... Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit. Ils étaient apparus comme dans un rêve, en haut d'une dune, comme s'ils étaient nés du ciel sans nuages...
Le roman raconte l'histoire de la jeune Lalla, enfant du désert qui devra s'exiler dans un quartier misérable de Marseille où ses frères immigrés végètent avant de revenir toute seule sur la terre des "hommes bleus", rescapée de l'enfer des hommes.
L'un des plus beaux romans qu'il m'ait été donné de lire à ce jour.
