vendredi 15 février 2008

Relire Voltaire aujourd'hui


J'ai découvert la première fois les écrits de Voltaire en classe de 1ère. La philosophie des Lumières s'accordait bien avec l'esprit quelque peu romantique d'un garçon de 16 ans.

Je me souviens en particulier de la lecture de "Candide ou l'Optimisme", conte philosophique qui montre que le bonheur n’arrive pas par hasard et que nous devons tous travailler à sa réalisation.

"Pangloss disait quelquefois à Candide: Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles; car enfin si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches.
Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin."

Je me souviens aussi des ces vers caustiques et désinvoltes, aux accents potaches:
"L'autre jour au fond d'un vallon
Un serpent piqua Jean Fréron,
Que pensez-vous qu'il arriva?
Ce fut le serpent qui creva.

Je me souviens de Zadig "le Juste" et de ses aventures dans un Orient de fantaisie.

Philosophe? écrivain? poète? métaphysicien? Polémiste? Voltaire est tout cela à la fois. Si on ne lui doit aucune innovation conceptuelle, il s'est employé à combattre tous les despotismes. Dans sa lumineuse noirceur, Il reste un résistant lucide qui fustige la sottise et la haine, l'obscurantisme, la raison terroriste, l'islamisme radical, au nom de sa théorie du "grand horloger": "En apercevant l’ordre, les lois mécaniques et géométriques qui règnent dans l’univers, je suis saisi d’admiration et de respect. Si les ouvrages des hommes me forcent à reconnaître en nous une intelligence, je dois en reconnaître une bien supérieure agissant dans la multitude de tant d’ouvrages. J’admets cette intelligence suprême sans craindre que jamais on puisse me faire changer d’opinion. Rien n’ébranle en moi cet axiome : tout ouvrage démontre un ouvrier ". (Enéide).

Interpellant les puissants de ce monde sans rien céder sur l'essentiel, il est la figure de proue des Intellectuels d'aujourd'hui.
"Défendre Salman Rushdie, Talisma Nasreen ou Ayaan Hirsi Ali, c'est défendre la statue, la mémoire, l'héritage de Voltaire", écrit Bernard-Henri Lévy, dans Le Monde du 14 février 2008.

Car les pointes de Voltaire contre ses ennemis ne sont que la traduction de son humanisme exigeant comme en témoignent la "Prière à Dieu" extraite du "Traité sur la Tolérance":

"Ce n'est plus aux hommes que je m'adresse; c'est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps...
Tu ne nous as pas donné un coeur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d'une vie pénible et passagère; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débilent corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil...
Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères!"

"Le Monde de la philosophie", chaque Jeudi avec l'édition du Journal Le Monde.
Vol 4. Voltaire: Lettres philosophiques, Traité sur la tolérance, Derniers Écrits sur Dieu