
En écho au voyage de notre trépidant Président et de sa Colombine en visite au Président Ben Ali, réputé pour son despotisme et ses entorses aux droits de l'homme, je livre ici mes impressions d'un voyage à Djerba en 1989.
Tel un mystérieux radeau ancré à quelques encablures du rivage africain, Djerba n’est-elle pas dette fameuse île des lotophages qu’Ulysse et ses compagnons eurent tant de peine à quitter ? Comme Ulysse, écoutons la voix de sirènes et partons à la découverte du grand Sud.
Quel peintre visionnaire, Paul Klee, peut-être, entrevoyait dans la cascade blanche et bleu des maisons de la medina l’image de ce voile où la coutume islamique enveloppe les femmes. Treize siècles que l’Islam règne en Tunisie. Du minaret de la mosquée, le muezzin appelle à la prière.
« Le soleil se lève au-dessus de la terre, les arbres s’allongent sur le sable gris, sur la poussière des chemins. Dans le ciel bleu, très bleu, il n’y a pas d’oiseaux, pas de nuages ; il y a le soleil, mais la lumière du matin bouge un peu comme si elle n’était pas tout à fait sûre » (Le Clézio)
Où commence la maison, où s’achève la montagne. Inéluctable question quand on découvre ces villages berbères de Chenini, Douirat et Guermessa accrochés au Djebel dans un décor abrupt et irréel. Première incursion dans cet étrange monde troglodytique enfoui au sein de la Terre. Mossa, enfant du pays, me fait les honneurs de sa maison. Ici le confort le plus rudimentaire n’est pas encore à l’ordre du jour. Une des gamines se lève et esquisse un de ces gestes de tendresse qu’on aimerait garder au fond de soi. Le dromadaire, avec une délicatesse qui n’appartient qu’à lui, manifeste bruyamment sa présence. Il ne s’agit pas d’oublier qu’il fait partie de la famille. Les enfants entonnent tous le même refrain : « Donne-moi argent, donne-moi quelque chose », en faisant une fixation sur les stylos. Comme pour écrire un peu de leur histoire, avant peut-être de quitter les lieux. Parfum de désolation, parfum d’abandon.
Coupant la Tunisie en deux, la région des Chotts est une série de dépressions s’échelonnant sur 350 kilomètres d’Est en Ouest. Faite d’une croûte de sel aux reflets tantôt argentés, tantôt violacés. Premiers mirages. Empruntant l’ancienne voie romaine qui traverse le Chot El Jerid, m’apparaissent des cités de sels imaginaires.
A l’Orée du Sahara, Douz est une oasis de carte postale, telle qu’on l’imagine, entourée du doux balancement des dunes de sable doré. Un curieux mélange d’odeur de poivre et de musc sucré, de l’ambre qui coure comme une chanson ou une odeur de jasmin. Odeurs toujours très fortes des animaux regroupés dans l’enceinte du marché. Odeurs des hommes qui ont attendu pendant des heures sous le soleil ce rendez-vous hebdomadaire.
