vendredi 21 décembre 2007

L'éducation artistique

L’éducation artistique met en jeu tous les aspects de la personne sans hiérarchisation : imagination, intelligence, sensibilité. L’éducation artistique est pleinement une formation, une éducation, une instruction. J’apprends, c’est difficile, mais j’éprouve du plaisir à le faire. L’adulte renvoie trop souvent l’enfant à plus tard alors que l’enfant vit dans l’instant, dans le présent. L’enfant qui fait des efforts en mérite le prix tout de suite.

L’être humain est un être de désir. Quelqu’un qui ne désire pas est quelqu’un qui ne crée pas. Le besoin ne conduit pas à créer mais à consommer. Le désir, c’est toujours l’irruption de ce qui est autre. C’est toujours l’irruption de la nouveauté en nous, qui ne peut pas toujours être comblée. Le désir, c’est toujours le désir de l’autre, un désir d’inconnu, un désir d’ailleurs, un désir d’autres choses.

La mobilité cognitive, c’est une sorte de souplesse psychique, une souplesse intérieure. La capacité, par exemple, d’adopter des points de vue différents sur un même sujet. La rigidité, c’est le conformisme, la sédimentation, la névrose. La souplesse, c’est la variation, la possibilité d’avoir le sens du voyage intérieur, d’un certain nomadisme intellectuel.
Le pédagogue, c’est celui qui accompagne sur le chemin de l’apprentissage.


Dans la pédagogie du modèle, ce n’est pas l’apprenant qui voit la ligne d’horizon. Il ne voit que le dos du pédagogue qui lui cache l’objectif, qui instaure une relation de dépendance de l’apprenant. Dans la non-directivité, au sens libertaire, l’adulte ne joue plus son rôle. Il fait croire à l’apprenant qu’il peut se débrouiller seul. Dans l’accompagnement pédagogique, le pédagogue et l’apprenant marchent côte à côte. Ils voient ensemble l’horizon, l’objectif à atteindre dont le pédagogue reste le garant. Chacun a sa marge d’initiative, chacun assume son rôle. L’implication affective est mauvaise conseillère. La pédagogie, ce n’est pas « je» mais « tu ». La cordialité est différente de l’affectivité. L’affectivité, c’est le dogmatisme des sentiments. La fusion engendre la confusion. Garder la bonne distance préserve l’autonomie de l’autre. Respecter quelqu’un, c’est respecter son autonomie et ses zones d’ombre, son jardin secret. Respecter quelqu’un, c’est accepter la personne, telle qu’elle est.

L’art de la pédagogie, c’est apprendre à refuser un comportement sans refuser la personne. Cela demande un effort sur soi-même. Nous avons le devoir de nous occuper de ce que font nos enfants, non pas de ce qu’ils sont. L’écoute est patience. La pédagogie n’est pas une technique. C’est inventer la relation qui va correspondre à la situation, c’est danser sur les sommets pour voir les panoramas et les paysages qui s’offrent à nous. Si j’ai l’ambition de devenir un maître pour les autres, la moindre des choses c’est de devenir maître de moi-même. L’amour de soi, opposé à l’amour-propre, c’est l’amour d’une certaine authenticité intérieure, qui n’est pas du tout un narcissisme exacerbé, mais l’amour de cette présence de l’humanité en soi.

Extraits d'une conférence de Gérard Guillot, philosophe de l'éducation, CND Lyon mai 1999