Pour atteindre le but ultime (quel qu'il soit) il faut savoir se surpasser, aller au-delà de ses propres limites, sans perdre haleine, sans craindre l'inconnu, car le temps et l'expérience jouent toujours en notre faveur. C'est le message que m'a adressé l'inconscient, la nuit dernière, dans une de ses pirouettes dont il a le secret.
En assistant hier soir à la dernière création de Carolyn Carlson, intitulée, "Double vision", présentée dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon, j'ai pu mesuré combien le parcours atypique de la danseuse et chorégraphe avait façonné "la grande dame" de la danse contemporaine, aux yeux rieurs empreints de simplicité et d'amour.
Dans ce spectacle poétique et visionnaire, d'une beauté souvent époustouflante, Carolyn, seule en scène pendant plus d'une heure, nous communique sa vision d'un monde plus responsable et plus serein. Drapée dans un unique tissu qui couvre l'ensemble du plateau, elle se fond avec les éléments et les projections vidéos qui ont la couleur et le parfum des saisons. Elle nous rappelle que, à l'instar de l'oiseau et du caméléon, nous sommes des êtres vivants de passage sur cette terre qui nous a tout donné.
Dans une autre séquence, en prise avec notre époque, industrialisation et vitesse riment avec solitude et chaos. Les mouvement répétitifs et saccadés amplifient l'impression de cauchemar. "Path to nowhere", voit-on apparaître sur fond d'écran sur des images et des graphismes vertigineux, inventés par un duo d'architectes-plasticiens associés étroitement au projet. Aviez-vous remarqué que nowhere, qui signifie nulle part, est constitué des deux mots: now (maintenant) et here (ici)?
L'ambiance apaisée et lunaire, qui constitue la troisième partie du spectacle, nous parle d'éternité.
The world I see ...
The world I make ...
The world I imagine ...
Avec joie et malice, sa gestuelle complice retrouve alors une âme d'enfant, celle qui ne l'a sans doute jamais quittée.
Quand elle n'est pas sur scène ou dans un studio de danse pour transmettre son art, Carolyn n'hésite pas à prendre la plume. Elle a publié notamment, aux Editions Actes Sud, un petit fascicule intitulé " Le soi et le rien", recueil de poèmes et pensées qui, depuis des années, fécondent sa réflexion sur l'esprit et le mouvement. Illustrés à l'encre de Chine, ces textes sont proches des koâns du boudhisme zen. "Les maîtres ne meurent pas, Ils dorment seulement", écrit-elle.
Un maître à sa façon.