- Tiens, c'est pour le Hoggar, dit en souriant Bernadette en me tendant un petit carnet relié.
Ces pages étroites, en papier de foresterie durable sans acide, pourront-elles contenir le flot de mots et de pensées qui jailliront au milieu du désert?
Aller à l'essentiel, ne retenir que l'indispensable, ce sera la règle à adopter en toutes circonstances.
Ce petit recueil, que je feuillette aujourd'hui avec un brin de nostalgie, contient des mots en tamahaq, (la langue Touareg), des indications de lieu, des repères photographiques, des impressions égrainées au fil des jours, mais il contient aussi un véritable trésor, celui que j'ai découvert au milieu du grand silence d'une nuit de pleine lune. L 'heure n'est pas encore venue de vous livrer mon secret.
14 citoyens français (4 hommes, 10 femmes), venus des quatre coins de l'Hexagone, se retrouvent au petit matin à l'aéroport de Marseille. lls sont heureux de se retrouver, prêts à se lancer sur le chemin qui peut leur apporter la paix, le silence, le partage, la vérité ou le bonheur d'aimer. Sept heures d'attente à l'aéroport d'Alger et déjà la fatigue s'installe. Un sas de décompression loin de nos repères habituels. Deux heures d'avion pour franchir les 2000 kilomètres qui nous séparent encore de Tamanghasset (prononcer Tamanrasset), située dans une oasis du sud du pays. La ville se trouve à 1 400 mètres d'altitude dans la chaîne montagneuse du Hoggar, dont certains sommets approchent les 3000 m. Nous y arrivons au milieu de la nuit.
Le jour s'est levé sur la petite cité de 80 000 âmes. Pas un nuage dans le ciel radieux qui invite à la douceur. 6 Touaregs et 14 chameaux nous attendent au départ de la caravane, au nord de la ville. Ces hommes qui nous accueillent portent fièrement le chèche. Derrière leur yeux rieurs, ils seront garants de notre sécurité au milieu de cet amas de pierres et de rochers qui se perdent dans l'infini du ciel. Leur expérience du désert et de la vie nomade sera précieuse au cours des 140 kilomètres que nous allons parcourir à pied. Notre itinéraire prévoit de passer à l'Assekrem, l'ermitage construit par Charles de Foucauld.
Alain et Corinne, les bâtisseurs du projet, guideront nos pas pour donner sens à cette aventure hors du commun. Entayent, en grand connaisseur de la région qu'il parcourt inlassablement depuis son enfance, choisira les passages les plus insolites, les meilleurs endroits pour les repas et le bivouac. Les montres ont été remisées au fond du sac. Le temps a posé ses valises. Le chèche bien serré autour de la tête pour protéger du soleil et de la poussière, le sac léger, contenant quelques effets personnels, bien callé sur le dos, le gros sac et la tente solidement ficelés sur les flancs des chameaux, une bonne paire de chaussures pour amortir le pas, la marche en silence peut commencer.