mardi 20 janvier 2009

Le voyageur du temps


On le dit mondain, libertin, provocateur, trublion, mégalomane, égocentrique, asocial, ironique, prétentieux. On le porte au pinacle ou on le voue aux gémonies. On ne lui pardonne guère son passé de maoïste. On le dit ringard parce qu'il a une admiration sans borne pour la littérature des siècles passés. De Homère à Madame de Sévigné ("il n'y a rien de plus moderne que l'Odyssée d'Homère ou que la Divine Comédie de Dante")."Les citations sont des preuves". Elles font vivre la littérature. On l'aime ou on le déteste. Il s'appelle Philippe Sollers.


Ecrivain prolixe, essayiste, romancier, conseiller littéraire d'Edition chez Gallimard, il sait aussi être enjoué, attentif ( "être père c'est sacré"), charmant, drôle, mais le plus souvent insaisissable. "L'ami des fées" écrira André Breton. Ami de Jacques Lacan et de Roland Barthes, admirateur de Louis-Ferdinand Céline, cet homme de 65 ans, qui séjourne régulièrement à Venise ou à l'Ile de Ré, ne laisse personne indifférent. Sa devise: vite et bien: deux fois bien.

Il aime la musique, le jazz, Cécilia Bartoli. "On écrit avec l'oreille, on écoute, c'est de la musique. Ecrire c'est écouter. Dès que je lis un paragraphe, vous allez voir que tous les mots sont à leur place et qu'ils sonnent d'une certaine façon." Pour lui les mots sont des sésames qui ouvrent les portes de la vérité.

Il a horreur de la violence ("je vomis les militaires"). Il déteste les honneurs (citant Bracq: "L'Académie Française, c'est la permission à ceux qui sont morts de vieillir encore un peu"). La postérité l'indiffère: "On peut atteindre de son vivant une certitude, d'avoir touché là où il fallait". Il tient, sur la crise actuelle, des propos très pessimistes: " Cà finit toujours comme cela, par des guerres. On sent se rapprocher quelque chose qui exigera peut-être des millions de morts".

L'auteur de: "Une curieuse solitude" (1958), "Femmes" (1983), "Studio" (1997), du "Dictionnaire amoureux de Venise" (2004), "Une vie divine" (2007), vient de faire paraître son dernier ouvrage: "Les Voyageurs du temps", chez Gallimard, bien entendu. "C'est un livre qui apprend à résister à toutes les pressions sociales, d'où qu'elles viennent; tout ce qui peut briser l'indépendance ou la liberté." Son maître mot.

Nul mieux que Julia Kristeva, écrivain, psychanalyste, professeur, mais aussi son épouse légitime depuis plus de 40 ans, ne saurait mieux décrire ce travailleur infatigable: "C'est quelqu'un d'une intelligence unique par sa rapidité et son extrême mobilité. Ce qui le fait jouir ce sont les mots. Il y a des mots qui peuvent lui faire mal et d'autres qui l'enchantent."

- Est-ce que vous êtes amoureuse de lui?
- Cà ne se voit pas?

C'était dans "Thé ou café", l'émission de Catherine Ceylac, sur France 2 Dimanche matin. Passionnant.