"L'artiste nous prête ses yeux pour regarder le monde." (Schopenhauer)
Musée haut, musée bas. Drôle de titre pour un drôle de film. Drôle, ce film l'est en effet grâce à une galerie d'acteurs épatants, à une mise en scène imprévisible et des dialogues percutants. Ce mélange savoureux d'absurde et de délires inspirés est signé Jean-Michel Ribes.
Homme de théâtre avant tout, c'est l'une de ses pièces, créée en 2004 au Théâtre du Rond-Point à Paris, qu'il adapte aujourd'hui au cinéma. Dans un musée imaginaire, arpenté du parking en sous-sol aux combles en passant par les galeries et salles d'exposition, s'entrecroisent les personnages les plus fantaisistes. Des dialogues créés sur mesure pour nos comédiens français: Gérard Jugnot, en chef de famille dépassé, Michel Blanc, en Directeur qui ne supporte pas la moindre présence végétale, Muriel Robin, en quête obsessionnelle de Kandinsky, Josiane Balasko, en mère abusive, Henri Demaison, Valérie Lemercier, et les non moins comiques: Fabrice Lucini, en gardien épuisé par la beauté qui l'entoure, André Dussolier, en ministre de la Culture inaugurant une expo de sexes masculins en veston rose, Pierre Arditi et Isabelle Carré, en couple désaccordé.
Des visiteurs populaires, des commentateurs intellectuels, des familles égarées, des gardiens consternés, des artistes prétentieux, des critiques radoteurs, des vierges échappées des tableaux de la Renaissance, des japonais frénétiques, cette galerie de portraits nous emmène d'une salle à l'autre, d'un étage à l'autre au rythme d'une visité effrénée, avec ses hauts et ses bas, mais surtout nous dévoile les travers d'une comédie humaine en manque de repères. Une sorte de mosaïques de vies au milieu de l'art", proclame Jean-Michel Ribes.
Satire du tourisme culturel de masse (Ah! ces jeunes qui se précipitent en hurlant dès que leur professeure les invite à respecter le silence), ce huit-clos absurde épingle en particulier l'art contemporain dans sa démarche conceptuelle. La scène où l'artiste tue sa mère abusive en direct sous couvert de créer l'oeuvre dans l'oeuvre est ironique à souhait et quand ce sont les spectateurs eux-mêmes qui deviennent l'objet même de l'oeuvre exposée, on est au coeur de la provocation. Cocasse, farfelu, cruelle ou surréaliste, cette fable qui traversent les esthétiques, les comportements et les genres est un délire permanent à la Tati. Elle peut être aussi l'occasion d'entamer une réflexion sur la fonction de l'art.
En marge des inévitables débats et polémiques que ne manqueront pas de susciter les mesures nouvelles prises par notre Président à l'occasion de ses "voeux à la Culture", l'accès gratuit, à compter du 4 avril prochain, aux musées et monuments de l'Etat ( Du Louvre au Mt St Michel) pour les moins de 25 ans et leurs professeurs est une mesure salutaire. Car l'art ne se contente pas de reproduire le monde, il cherche à exprimer cette force et cette vie invisible que nous sommes.
"Est beau ce qui procède d'une nécessité intérieure de l'âme. Est beau ce qui est beau intérieurement.” (Kandinsky)