lundi 14 janvier 2008

Le métier d'homme


C'est l'un des fondateurs du néo-réalisme italien qui est à l'honneur cette semaine dans la collection Grands Cinéastes, coéditée par Le Monde et les Cahiers du Cinéma. Et c'est "Païsa" (1946), l'un des plus beaux films de l'auteur, qui accompagne le livre. Une fresque composée d'histoires courtes, comme un recueil de nouvelles. C'est le deuxième volet d'un trytique que le cinéaste a consacré à cette période, après "Rome, ville ouverte" (1945) et avant "Allemagne, année zéro" (1947). Trois enquêtes, trois déambulations dans Rome, l'Italie et Berlin au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Des paysages de ruines et des vies à reconstruire. Pas de diabolisation même si le réalisateur a choisi son camp, celui du réquisitoire pour la liberté et la résistance des gens simples contre le nazisme. Et nous reviennent à l'esprit les paroles du prêtre résistant dans "Rome, ville ouverte", à la veille d'être fusillé: "Il n'est pas difficile de bien mourir, c'est vivre qui est difficile".


Rossellini est aussi l'auteur de "Stromboli" (1950), "Les Onze Fioretti de Saint François d'Assise" (1950), "Europe 51" (1952), "Voyage en Italie" (1953), "Jeanne au Bûcher" (1954), "India" (1959), "Le général della Rovere" (1959).

Dans la dernière partie de sa vie, Rossellini abandonne le cinéma traditionnel pour se consacrer, via le Télévision italienne, à ce qu'il nomme "une nouvelle pédagogie à travers les images". Le cinéaste fait place au philosophe, ou tout au moins au metteur en scène qui fait du cinéma une oeuvre de pensée. C'est d'ailleurs aux grands philosophes, dont il expose le cheminement de pensée, qu'il consacre désormais son énergie et son talent. Socrate, Pascal, Saint Augustin, Descartes, Jésus, figurent au panthéon des films éducatifs produits par la RAI. Rossellini meurt à Rome le 3 juin 1977.

Dans "Fragments d'une autobiographie" (Ramsay 1987), il tient ces propos inattendus:
"Il est temps que je détruise l'erreur fondamentale qui a été commise à mon égard: je ne suis pas un cinéaste. Même si je possède dans ce domaine une espèce d'habileté, le cinéma n'est pas mon métier. Mon métier est celui qu'il faut apprendre quotidiennement et qu'on n'en finit jamais de décrire: c'est le métier d'homme. et qu'est-ce qu'un homme? C'est un être debout qui se hausse sur la pointe des pieds pour apercevoir l'univers. Ma passion, peut-être aussi ma folie, est de comprendre chaque jour un peu plus... Pour moi, la vie ne vaut la peine d'être vécue que si c'est une perpétuelle aventure. Avec mes films, je cherche à faire oeuvre de persuasion afin que tout le monde se consacre à l'aventure".