La départ de Jacques Brosse pour cette autre vie, qui reste un mystère pour chacun d'entre nous, m'a incité à poursuivre le dialogue avec celui qui, dans son dernier ouvrage (Albin Michel 2007), posait cette ultime question: Pourquoi naissons-nous? et autres questions toutes aussi pertinentes: Avons-nous désiré venir au monde? Qu'est-ce que la vie? Faut-il avoir peur de la mort? Peux-t-on asservir la nature? L'homme ne serait-il qu'un animal comme les autres? L'esprit est-il immortel? Qui est cet autre en moi? Dieu est-il personnel ou impersonnel? L'artiste sert-il à quelque chose?
A toutes ces questions auxquelles personne n'a jamais su vraiment répondre, Jacques Brosse apporte sa vision du monde en la confrontant à celles des grands maîtres de l'esprit, qu'ils se nomment Boudha ou Platon, qu'ils soient Pères de l'Eglise, philosophes, naturalistes, scientifiques, soufis ou maîtres Zen. Il nous fait partager son émerveillement face à la vie et à la mort. Il explore le mystère de l'existence et le désir qu'ont les âmes de renaître sans cesse. Car le miracle de la vie ne réside-t-il pas dans le désir d'être qui préexiste en chacun de nous et qui nous donne ce goût d'éternité?
Extraits choisis:
L'étonnant n'est-il pas qu'il y ait encore des savants pour affirmer que l'univers, qu'ils savent constitué de centaines de milliards de galaxies,... aurait été créé ou se soit constitué pour l'habitant d'une seule minuscule planète, l'homme?
De quoi, au juste avons-nous peur? Des souffrances de l'agonie? Soit! parce que nous les imaginons maintenant. mais, le moment venu, elles ne seront plus telles, nous ne serons plus tels pour les vivre... En fait, ce qui nous hante, c'est la perspective de notre anéantissement, comme si nous devions être les témoins horrifiés de la corruption de notre cadavre. Et qui donc sera là? Qui aura conscience de n'être plus? Si nous avons peur, c'est que nous n'osons pas regarder la mort en face... De tous manières, la peur de la mort ne peut que nous empoisonner la vie, irrémédiablement, jusqu'à ce que nous parvenions à comprendre qu'il ne s'agit que d'un fantasme, le fantôme qui naît dans le noir de la peur d'avoir de l'enfant...
Personnellement de la mort, je ne pense rien, ce qui ne veut pas dire que je n'y pense pas. Je dirais que lorsque j'y pense, c'est à la manière de Han-shan, le poète chinois du VII ème siècle, adepte du tch'an zen:
Pourquoi opposer vie et mort?
C'est comme l'eau et la glace.
Quand l'eau gèle, elle devient glace?
Avec le dégel, elle coule à nouveau.
Tout ce qui meurt doir renaître,
Tout ce qui naît retourne à sa source.
Glace et eau ne s'offensent pas l'une l'autre,
Vie et mort sont belles tour à tour.
J'ai toujours aimé ce poème, je l'aime encore davantage depuis que j'ai appris par une mère à qui j'avais recommandé de le méditer que sa fille âgé de dix ans, qui l'avait lu, lui avait dit: "Maintenant j'ai tout compris". Peut-être en suis-je là, moi aussi.
Disons que j'attends le dégel, et même la débâcle, avec confiance. Ils sont aussi certains que le printemps après l'hiver.