Jacques Brosse, l'ami de Camus et de Lévi-Strauss, philosophe et historien des religions, est décédé Jeudi 3 janvier, à 86 ans, rapporte le Journal Libération de Dimanche. Ecrivain, poète, éditeur, grand voyageur, moine zen, botaniste, ce chercheur de vérité avait fait de la quête du Soi son but ultime.

"L'Univers du Zen", très beau livre richement illustré, donne la mesure du talent de Jacques Brosse et sa capacité à embrasser à la fois la synthèse et le détail d'un sujet aussi foisonnant que le Zen. Au fil des pages il nous fait découvrir la biographie de grands maîtres, de poètes et d'artistes, l'histoire des écoles et des lignées spirituelles, l'influences du Zen sur la calligraphie, la peinture, la littérature, les arts martiaux, l'art des jardins et des compositions florales, l'architecture ou la cérémonie du thé. Cette plongée au coeur du silence recèle des trésors de pure beauté et de spiritualité.
Dans "Retour à l'origine" paru en 2002 (Editions Plon, Collection Terre Humaine), il écrivait:
"Pourquoi suis-je moi et pas un autre? Comment imaginer un créateur sans création, sans créatures? Comment imaginer l'avant, le non-être, sinon comme une hypothèse invérifiable, comme un fantasme d'anéantissement, une sorte de suicide absolu? C'est toute l'histoire des mythes, des religions, des philosophies et des sciences: trouver un fondement stable au monde, donc à soi-même.

Le retour à l’origine, c’est ce que les psychanalystes, comme les anciens philosophes grecs appellent l’anamnèse. L’anamnèse est le fil d’Ariane qui permet de retrouver la sortie, laquelle n’est autre que l’entrée, en reparcourant en sens inverse le labyrinthe dans lequel nous nous croyons enfermés.
Pour la psychanalyse, l’anamnèse consiste à remonter assez haut dans le passé pour y rencontrer l’incident, parfois minime et insignifiant, à partir duquel nous avons commencer à dévier. Ce n’est que lorsqu’il refait surface depuis le tréfonds de la mémoire où il était enfoui que peut commencer le processus de la guérison. La voie de l’anamnèse est le rêve et le réveil.
Imbus de notre supériorité, nous avons oublié, et même nié, qu’il puisse exister d’autres modes de penser que le nôtre. On les qualifie d’orientaux, mais cet Orient n’est que l’envers du Ponant, notre envers, l’inconscient de notre conscient, l’anima de notre animus. L’Orient, c’est ce dont naguère l’Occident s’est mutilé et qui aujourd’hui lui fait défaut, nous sommes désorientés. Retrouver l’Orient en soi, c’est se rééquilibrer, trouver l’autre en soi et avec lui, notre complétude, c’est rendre possible le retour dépaysant du refoulé, donc l’anamnèse, condition première et début de la guérison".