
Le film "Into the wild" de Sean Penn arrive dans sa sixième semaine. Plébiscité par le public et la critique, ce road-movie est inspiré d'une histoire vraie, celle de Christopher McCandless, un jeune homme de 22 ans dont l'histoire fut d'abord contée par un journaliste américain John Krakauer dans "Voyage au bout de la solitude".
Cette odyssée qui va du Dakota au Colorado, pour atteindre finalement son but ultime en Alaska, nous raconte l'itinéraire d'un jeune homme qui a décidé de tout quitter (famille, argent, confort, vie professionnelle) pour vivre selon ses aspirations et ses choix personnels, sans rien devoir à la société. Au fil des rencontres (un couple hippie, une jeune fille mineure, un vieillard...) on essaie de comprendre ce qu'il espère trouver au bout de chemin. Un jardin secret, un rêve de vie alternative qui se termine tragiquement, au moment où surgissait l'espoir du retour de l'enfant prodigue. Qu'aurait-il fallu pour qu'il échappe à l'enfermement qui conduit à sa perte? Plus d'amour, plus de compréhension, plus de vérité? On pense évidemment aux romans de Jack London, aux écrits de Kerouac, au "Walden, ou la vie dans les bois" de H.D.Thoreau, qui ont inspiré tant de jeunes de la Beat Generation. La musique d'Eddie Veder, qui se promène entre folk et blues, ajoute une touche nostalgique à un film porté par un souffle personnel et lyrique.
Dans les années 70, nous étions très nombreux, sac au dos, à faire la route en auto-stop. Nous rêvions d'un monde plus juste, plus libre, plus humain. Nous partions en quête d'aventures et de rencontres imprévues. Je me souviens de cette époque comme d'une "parenthèse enchantée". J’étais partagé entre les valeurs chrétiennes reçues de mon enfance, les slogans maoïstes qui fleurissaient dans "Politique Hebdo" et mon inclination pour les idées véhiculées par l’anarchisme. La désobéissance civile et la non violence étaient mon credo. Je me nourrissais à la lecture des écrits de H. D. Thoreau, Gandhi, Martin Luther King, Lanza del Vasto, Don Helder Camara tout autant qu’à ceux de Lénine, Bakounine ou Henri Decoin. « L’Evangile de la non-violence » de Jean-Marie Muller et « La théologie de la révolution», prônée par les prêtres ouvriers d’Amérique Latine, étaient mes livres de chevets.
Répondant aux questions d'un journaliste, Sean Penn déclare: "Tout le monde, et pas seulement moi, peut se reconnaître dans ce livre. Chacun de nous, consciemment ou non, partage cette volonté de parcourir le monde et j'aimerais que ce film rappelle cela. Dans notre monde occidental, nous avons perdu l'habitude des rites de passage, les rites initiatiques où l'on apprend à se connaître soi-même, à profiter de l'instant présent. Cela trouve un écho en nous tous, cette volonté de découverte, de parcourir le monde est universelle. Il s'agit de voir le monde non tel qu'on le pensait, mais tel qu'il est. les choses ne sont pas telles qu'on nous les a dites, mais telles qu'on les découvre".
Après quelques années d'une marginalité inconfortable (sous l'angle des valeurs prônées par la société) et des lendemains qui déchantent, il fallut reconstruire sur des bases nouvelles sans toutefois renier les idéaux de jeunesse. Apprendre à se connaître devint la finalité pouvant conduire à la maturité et à une plus grande sagesse. Et, comme le rappelle un personnage du film "Into the wild": "Le bonheur, pour être réel, ne peut être que partagé".
P.S.: On pourra lire avec intérêt le livre de Gilles Farcet, "Henry David Thoreau, L'éveillé du Nouveau Monde", Présentation Arnaud Desjardins, (Editions Albin Michel, collection Espaces libres))