vendredi 14 mars 2008

Capucin Krishik Seva Kendra


7 avril 2007. Mangalore, petite ville portuaire située à l’extrême ouest du Karnataka, nous prenons contact avec Fr. Arun Loro, responsable du Capucin Krishik Seva Kendra, régi depuis 1976 par les Pères Franciscains de la Province du Karnataka. Paul, l’un des animateurs du projet, nous accompagne en direction de la petite ville d’Ugire, près de Dharmastala. Nous n’avons rien prévu pour les prochains jours. « Everything comes when it comes ».

« Warm welcome to Daniel, Bernadette et Hugo ». Vishalakshi, 11 ans, et les membres de l’équipe nous accueillent avec des colliers de fleurs dans une langue qui mêle joyeusement l’anglais et le kannada. Nous sommes très émus par l’ambiance festive qui entoure notre arrivée.


Arun Loro nous présente le projet. L’organisation bénévole, placée sous l’autorité du CCF India, a été créée en l’an 2000 pour développer des activités en milieu rural. L’école, l’éducation, l’hygiène, la santé, la nutrition, l’accès au micro crédit, la promotion de l’artisanat, l’aide à la création d’entreprise, l’apprentissage de l’agriculture, la maîtrise de l’irrigation, la protection de l’environnement, l’accompagnement des femmes enceintes, l’accueil hospitalier et d’une façon générale l’aide aux familles les plus pauvres mobilisent une vingtaine d’animateurs spécialisés. Les programmes pluriannuels concernent 785 adhérents appartenant à 17 villages.

Avec sa maigre stature, la sacoche en bandoulière, Arun Loro a tout d’un St François d’Assise des temps modernes. L’ordinateur et le téléphone portable lui sont aussi familiers que la moto qu’il chevauche chaque matin pour se rendre au travail. Quand il n’est pas en réunion avec son équipe composée de musulmans, d’hindous et de chrétiens, il sillonne la campagne pour rencontrer les familles, discuter avec un groupe d’enfants ou constater l’avancement d’un projet.


A l’école, nous sommes visiblement très attendus. « Nasmastee, we are very happy to meet you », entonnent d’une même voix les enfants. Les enseignants ont préparé quelques danses locales interprétées par de gracieuses fillettes pleines d’entrain. Bernadette, mon épouse vivement sollicitée, se lance dans une courte improvisation en danse contemporaine devant un parterre d’enfants ébahis. « Ici, les enfants manquent cruellement de cahiers et de crayons pour leurs devoirs », nous dira plus tard la directrice.

Des mets à base de riz sont posés sur la table dressée en notre honneur. Vishalakshi, ne parvient pas à avaler les premières bouchées. Une banane suffit à combler son appétit. Nous lui proposons de choisir une robe à l’étal de la procure. Son regard s’illumine et elle retrouve un sourire d’enfant émerveillé. Elle choisit aussi un très beau sari pour Monamma, sa maman, quelques vêtements pour son père, Krishnappa et ses deux frères, Diwakar et Prasad. Elle se révèle à cet instant une enfant vivante, rieuse, attentive et lumineuse. Vishalashi, rappelle l’encyclopédie Wikipedia, signifie « the vast-eyed ». Nous repartons à la maison les bras chargés de cadeaux.


C’est le dernier jour de l’école avant les vacances d’été. L’équipe du projet a organisé un grand rassemblement. Plus de 800 élèves, vêtus d’un uniforme bleu, défilent derrière des bannières dans les rues de la petite ville. Nous sommes accueillis avec les honneurs. Bernadette est invitée à prendre la parole au milieu d’autres responsables locaux. Elle s’y prête avec générosité et talent. Des cadeaux sont distribués aux élèves les plus méritants. La cérémonie terminée, les jeunes adolescentes se pressent autour de nous. Nous sommes assaillis de questions dans une ambiance bon enfant.


Aux cotés d’Arun Loro qui conduit la jeep avec assurance, nous filons à vive allure, vitres ouvertes sur des routes étroites et cahoteuses. « Very bad road » dirait Nataraja. A l’arrière du véhicule, cinq femmes nous accompagnent de leurs chants envoûtants. Deux heures plus tard, nous nous arrêtons près d’une rivière asséchée par les premières chaleurs. Au bout du chemin, un pont suspendu conduit à un petit temple. Les milliers de poissons sacrés qui pullulent dans un bassin évoquent l’épisode biblique de la pêche miraculeuse. Loin de nos repères habituels, au milieu d’une nature sauvage et abondante, nous savourons le bonheur de l’instant présent. Nous rentrons à la tombée de la nuit bercés par le son des klaxons et le ballottement de la route.


Dans le monastère silencieux où vit Arun Loro, une chambre simple, équipée de moustiquaires et de ventilateurs, est mise à notre disposition. Nataraja a droit aux mêmes égards. Nous partageons le repas du soir avec les Pères et les 40 jeunes pensionnaires qui poursuivent ici des études théologiques. Le plus ancien de la communauté, âgé de 96 ans, est à surnommé le gourou. Son regard bienveillant respire la sérénité et témoigne de la vitalité spirituelle de l’endroit.

Au lever du jour, nous visitons la ferme. Les animaux vivent au grand air et tout est minutieusement recyclé. Les fleurs ont la couleur de l’été et les oiseaux nous invitent dans leur retraite. « For it is giving that we receive », peut-on lire sur l’un des petits panneaux vert qui jalonnent la pelouse conduisant à la chapelle. Bernadette a revêtu le traditionnel sari, une rose rouge dans la chevelure. Tout un symbole pour les jeunes femmes de l’équipe qui nous accompagnent. A l’office du matin au milieu des jeunes qui psalmodient des chants à la gloire du Dieu chrétien, je ressens une profonde gratitude pour cette Inde généreuse qui est venue à nous.