lundi 31 mars 2008

Je fais un rêve


"Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la réalité de son credo: "Nous tenons cers vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux".
Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils d'anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve que, un jour, l'Etat du Missisipi lui-même, tout brûlant des feux de l'injustice, tout brûlant des feux de l'oppression, se transformera en un oasis de liberté et de justice.
Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera plus à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère.
Je fais aujourd'hui un rêve!
Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots "interposition" et "nullification", un jour, justement en Alabama, les petits garçons et les petites filles noirs, les petits garçons et les petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et soeurs.
Je fais aujourd'hui un rêve!
Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et le gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois.
Telle est notre espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud. avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans des montagnes de désespoir, un caillou d'espérance.
Avec une telle foi nous serons capables de transformer la cacophonie discordante de notre nation en une merveilleuse symphonie de fraternité. Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d'aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour."

Ce discours prononcé par Martin Luther King, un jour de l'été 1963, est resté dans toutes les mémoires. Joan Baez, Bob Dylan, Paul Newman et tous ceux qui livrèrent à l'époque un combat contre les démons du capitalisme, la misère des ghettos, la guerre du Vietnam furent conquis par le lyrisme de cet homme qui avait décidé de mener le combat pour la liberté. L'apôtre de la non violence, qui se réclamait de Thoreau et de Gandhi, disait un jour "Je suis un intouchable et chaque noir aux Etats-Unis d'Amérique est un Intouchable."

Le 4 avril 1968, Martin Luther King était abattu devant la porte de sa chambre d'hôtel. Il venait d'avoir 39 ans. Souvent décrié par les militants noirs les plus extrémistes, en raison de ses positions chrétiennes (ses discours sont tissés de références bibliques), ce jeune pasteur baptiste, à l'éloquence forgée par les prêches et les discours parfois improvisés, raviva l'espoir d'un monde meilleur. Après sa mort, Il devint l'icône dont les paroles résonnent encore aujourd'hui. Barack Obama, en course pour la Présidence, y fait souvent référence.

Porté par les paroles de Thoreau, Gandhi, Martin Luther King, Lanza del Vasto, Don Helder Camara, Jean-Marie Muller, je devins moi-même, à 20 ans, un militant convaincu de la non-violence et j'entamai une longue période d'insoumission à la Grande Muette. Je colportais ces idées dans les débats qui avaient lieu un peu partout après 68, jusque dans les colonnes d'un petit journal associatif créé par mon frère aîné dans le petit village de mon enfance. L'objection de conscience comme moteur de la révolution des consciences, voilà ce que prônaient les apôtres de la non-violence.

Alors que les tibétains livrent un combat sans espoir contre la Chine, que les noirs d'Afrique du Sud, malgré l'interdiction de l'apartheid, doivent encore faire face aux blancs qui s'arrogent leurs terres, le combat pacificateur du pasteur Martin Luther King reste d'une brûlante actualité. Tant que nos frères et soeurs dans le monde souffriront de la peur, de la misère de la discrimination, il nous faudra porter haut le drapeau de la liberté.


Vient de paraître: Martin Luther King, "Autobiographie" Textes réunis par Clayborne Carson (Editions Bayard)