mercredi 2 avril 2008

Les blessures de l'âme


Véronique Desjardins est une femme sensible et généreuse. Avant de vivre aux cotés d'Arnaud et devenir son épouse, elle a été, pendant de longues années, une vraie disciple. Je peux témoigner de son engagement, de sa sincérité, de ses doutes et de ses questionnements. Elle a toute ma gratitude.

Lucidité, intelligence (du coeur), maturité spirituelle, tels sont les mots qui me viennent à l'esprit en refermant: "Porte ouvrant sur la voie". A travers ces histoires inventées ou empruntées à nos vies, Véronique décrypte, avec la précision d'une entomologiste de l'âme, nos tourments, nos turpitudes, nos lâchetés mais aussi notre incompressible besoin de vivre, de comprendre, de vivre et d'aimer.

"Du bon usage des crises", écrivait Christiane Singer. "Il ne s'agit pas bien sûr, de tout larguer, d'abandonner époux, enfants, métier, sous prétexte que je suis trop chargé pour avancer! Mais je peux choisir de vivre ce que je vis dans une perpective qui va tout changer...C'est l'échec qui nous crée. Il n'y a que l'échec qui nous livre passage et déchire le rideau." Les grandes failles nous dévoilent si nous savons faire de l'échec un allié.

Les situations et les personnages que Véronique Desjardins décrit dans ce livre font écho aux questions existentielles que nous rencontrons un jour ou l'autre:

Es-tu heureux? Tous ceux à qui la question est posée sont interloqués et, se sentant parfois menacés, feignent de ne pas répondre. "Je voulais faire une percée derrière le monde des apparences, une intrusion dans cet univers clandestin que chacun garde par-devers lui" , dit ce chercheur de vérité. Et nous-même, que répondrions-nous?

Au cours de notre existence, nous sommes amenés à faire des choix: orientation, métier, amours, amis, manière de vivre... Certains de ces choix sont vécu dans la douleur. Il faut parfois se battre, comprendre, digérer, convaincre, accepter l'autre et s'accepter soi-même. Lorsque ces choix sont complètement assumés, nous nous sentons léger, libéré, disponible pour poursuivre notre route. "Vas où tes pas te mènent" semblent dire la Mère Supérieure à la jeune novice qui a décidé de quitter l'ordre monastique pour rejoindre le monde extérieur.

Imaginons que nous passions un moment dans le corps d'une femme, que nous vivions son ressenti dans les moindres détails. Après une telle expérience, notre regard sur le sexe opposé et sur nous-même s'en trouverait changé. C'est ce qui arrive à Jean-Paul, un beau matin. "Ce qu'il avait découvert à travers cette cohabitation forcée lui appartenait en propre. Une part de lui, jusque là étouffée, s'était mise à vivre et cela, plus rien ni personne ne pouvait le lui enlever."

Quand la maladie s'invite à l'improviste, elle bouscule et fait table rase du futur. Rien ne compte hors le présent qu'il faut accepter avec courage et confiance, à l'exemple d'Angelina: "Ce n'est pas tellement ma maladie qui importe: ce qui compte toujours le plus, c'est l'évolution qu'elle a déclenchée en moi, ce développement intérieur qui m'a saisie. Je me sens emportée et contenue dans cette lente transformation vers une dimension incomparablement plus vaste et essentielle." La belle âme.

Quand des amies d'enfance se retrouvent trente ans plus tard, qu'ont-elles à se raconter? Après un temps où chacune partage des confidences intimes de sa vie, donnant le sentiment d'appartenir à une même famille, l'absence de projet commun les éloigne peu à peu. "Sans lieu, pas d'enracinement, et sans enracinement, pas de projet porteur à long terme". Ainsi va la vie.

La peur du loup. Quand une femme rencontre un inconnu au coeur la nuit et que celui-ci a les traits d'un violeur: réalité ou fantasme! Quand la peur au fond de soi engendre la peur de l'autre!

A l'instar de cette femme et de cet homme qui se rencontrent et échangent par lettres sans jamais se revoir, sachons écouter la petite musique intérieure qui vit au fond de nos coeurs. " La plupart des êtres humains ne connaissent, dans leur existence, que la mélodie, ils ont des hauts et des bas et ils vont et ils viennent intérieurement au gré des situations changeantes. Ils n'ont aucune idée d'un fond stable qui puisse demeurer à l'arrière plan."

Qui sont ces enfants pas comme les autres, qui souffrent, disent les spécialistes, du syndrome de non-séparation, qui ont une conscience élargie et qui contaminent tous ceux qui les approchent ? Sauront-ils sauver le monde du chaos et de la folie? Sont-ils des âmes bien nées d'un nouvel âge d'or ou du retour au paradis perdu? "En ce qui me concerne je crois plus simple de dire que les êtres humains, après avoir collectivement perdu la tête et sombré dans la folie, avaient enfin repris possession de leur bon sens - et que les choses retrouvèrent ainsi leur cours naturel." La grande mutation avait eu lieu.

Un énième livre sur la spiritualité, pourrait-on se dire. Pas si sûr. Car dans ces histoires qui nous sont si proches et racontées d'une belle écriture, Véronique nous livre ce qu'elle a de meilleur en elle, de plus profond et de plus vrai. Ce livre est aujourd'hui entre nos mains. Belle lecture.