Treizième long métrage de Tony Gatlif (Prix de la mise en scène au festival de Cannes 2004), "Exils" raconte l'histoire de Zano, un jeune Algérien de souche, qui décide, avec sa compagne Naïma, de traverser l'Espagne pour rejoindre Alger et, enfin, connaître la terre de ses parents et de ses ancêtres. Avec la musique comme seul bagage et leur jeunesse éprise de liberté, ils se lancent sur la route en toute innocence. D''une rencontre à l'autre, d'un rythme de techno à un air de flamenco, Zano et Naîma refont, à rebours, le chemin de l'exil. Une fois la Méditerranée franchie, leur quête (qui passe aussi par le Maroc) les conduit à la découverte de leurs racines et de leur identité.
Interprété avec beaucoup d'humour et de détermination par Romain Duris (déjà l'interprète du précédent "Gadjo Dilo"), porté par l'interprétation de l'actrice marocaine Lubna Azabal, les deux interprètes nous communiquent leur passion de la vie et leur générosité dans un road-movie aux élans parfois libertaires. Certaines séquences ne sont pas loin du documentaire. La musique enivrante jusqu' à l'obsession parfois, participe de cet envoûtement qui culmine dans la scène finale d'une cérémonie soufie à laquelle sont conviées nos deux héros en pleine transe. L'heure où le corps et l'esprit s'envolent ensemble pour chasser les démons de leurs cicatrices profondes. (un plan unique d'une dizaine de minutes).
Gitan d'origine andalouse, Tony Gatlif est tout à la fois réalisateur, acteur, scénariste, compositeur et producteur. L'énergie qu'il déploie avec force et sensualité se révèle parfois entêtante comme la bande-son voyageuse qui accompagne ses films. " Il m'a fallu 43 ans pour retourner sur la terre de mon enfance, l'Algérie, 7000 kilomètres sur la route, en train, en voiture, en bateau, à pied et 55000 mètres de pellicule."
Ces exilés, ces déracinés, portent en eux les empreintes et les douleurs d'une vie vécue à fleur de peau, au sens littéral du terme. C'est d'ailleurs par un gros plan sur le dos de Zano (alias Romain Duris) que s'ouvre le film. Si vous ne craignez pas d'être embarqué, malgré vous, dans ce vent de folie et de sensations qui hante les images de Tony Gatlif, allez à la rencontre de ce réalisateur hors norme et de cette bouffée d'air frais, hors des sentiers battus. Une ode à la jeunesse, aux senteurs charnelles de nos coeurs amoureux, aux vapeurs alcoolisées de nos têtes rêveuses.
Le film "Transylvania", sorti en 2006, est de la même veine.
(C'est demain soir, jeudi, sur Arte, à 20h50)