lundi 2 juin 2008

Etre né quelque part


Dans "La graine et le mulet", la jeune Hafsia Herzi démontrait un talent prometteur. Sa présence illuminait un film fort, justement applaudi et récompensé. Elle est aujourd'hui l'héroïne d'un premier film de Souad El-Bouhati qui aborde les thèmes de l'appartenance et de l'identité.

C'est quoi être française aujourd'hui quand on est né de parents Marocains, élevé dans une cité française jusqu'à l'âge de 10 ans et contraint, par la force, de retourner vivre au pays. Cet arrachement, cet exil forcé, la fougueuse Sofia les porte si fort en qu'elle est devenue une adolescente révoltée qui n'a qu'un seul désir en tête: retourner sur la terre de son enfance, son vrai pays, la France. Rien ne semble pouvoir l'arrêter, ni sa mère impitoyable mais aimante, ni son père qui cherche à la protéger des désillusions qu'il a lui même connues, ni les amies qu'elle côtoie à l'internat du lycée, pas même le jeune homme éperdument amoureux qui va la demander en mariage. C'en est trop. "Si je reste là, je vais mourir", lâche-t-elle dans un éclair de violence où elle fait preuve d'une détermination sans faille.

Que cherche-t-elle au fond d'elle même? Aux prises avec la fascination-répulsion de la société marocaine ( le poids des traditions empêche les femmes de s'exprimer et de se réaliser comme individu à part entière), cette jeune fille brillante et courageuse est avide de liberté et d'autonomie, qui lui font défaut au sein de la cellule familiale. Bien que presque tout le film se déroule au Maroc, non loin de Meknés, l'image de la France est présente en filigrane, comme fantasmée, aux confins du mythe et du rêve. Son passeport, confisqué par son père, lui ouvrira-t-il les portes de la vraie liberté?

La force de ce film réside dans les propos nuancés, ambigües, portés par des personnages secondaires au caractère plus complexe qu'il n'y paraît. Pas d'angélisme, pas de leçon, mais des modes de vie qui s'entrechoquent sans vraiment se comprendre, ni s'exclure. Si le film manque parfois un peu de rythme, l'énergie sauvage et sensuelle de Hafsia Herzi nous emporte et nous fascine. Elle démontre un vrai tempérament et une maturité de comédienne qui donne toute sa force au film de Souad El-Bouhati. Une photographie lumineuse, une bande-son remarquable, autant d'ingrédients qui s'ajoutent encore à cette oeuvre sensible et généreuse.