dimanche 14 décembre 2008

Dialogue avec la lune

Dans le monde arabe, la lune est de sexe masculin et le soleil de nature féminine, car pour ces peuples nomades et caravaniers, c'est la nuit qui est douce et reposante, propice aux voyages. N'est-elle pas dans le Coran, l'un des signes de la puissance d'Allah? Symbole de transformation et de croissance, symbole du temps qui passe, la lune évoque métaphoriquement la beauté et la lumière dans l'immensité ténébreuse. C'est la sensibilité de l'être intime livré à l'enchantement silencieux de son jardin secret. La lune éclaire le chemin.


Tout a commencé par un rêve. Hisser la grand voile sur l'océan des possibles.
Réveil au milieu de la nuit. Il fait encore clair. Dans deux jours, la lune sera totalement pleine. J'enfile quelques vêtements chauds (les nuits sont particulièrement fraîches à cette période de l'année) et je m'assoie, face à la lune, sur un énorme rocher plat. De cet observatoire, les tentes se confondent avec les énormes rochers en contre-jour. Je regarde la lune et la lune me regarde. Je songe à Prévert et à Michel Morin, le Petit garçon de la lune "qui souriait très souvent la nuit en dormant parce que, lorsqu'il y avait la lune, il était content".
- L'esprit souffle où il veut, semble-t-elle me dire dans son bel habit de lumière.
Mu par une force inconnue, je me redresse et mes pas me guident dans un mouvement concentrique. Je m'arrête au centre du cercle. Mon ombre se projette sur la barrière de rochers infranchissables. Me viennent à l'esprit les paroles d'une chanson de Jacques Higelin: "Je ne suis qu'un grain de poussière dans l'immensité du désert". La lune susurre dans mon dos:
- Va où le vent te mène, va où te guide tes pas, sans peur du lendemain".


J'avance prudemment au milieu des rochers et je parviens à tâtons sur une deuxième plate-forme qui surplombe l'oued et le campement. Je contemple la lune qui jamais ne change. Très lentement elle s'efface derrière la montagne, laissant derrière elle un halo lumineux qui découpe l'horizon.
- Va, tout va bien, ne t'inquiètes pas, je reviens demain, me souffle-t-elle dans un dernier regard.
Comme par enchantement, un avion surgit dans la nuit comme s'il courait après la lune. Lentement j'amorce la descente en prenant garde aux cailloux qui s'échappent sous mes pieds. Mes pas me guident cette fois du centre vers la périphérie. Mon coeur est rempli d'un immense bonheur. Je viens de vivre une expérience extraordinaire, l'expérience de la Présence intemporelle, la Présence de Celui que je ne savais pas nommer, je veux dire Dieu.


Deux jours plus tard. Je passe la soirée autour du feu de bois avec mes amis Touaregs. Je me réveille à nouveau au milieu de la nuit. La lune est cette fois complètement pleine. Je sors dans la nuit claire, l'appareil photo en bandoulière. Je m'éloigne du campement. Seul le rideau de montagnes souligne l'horizon lointain d'un bleu profond. La lune impose sa Présence. Je saisis ces instant magiques jusqu'à l'effacement total de la lune. L'émotion m'envahit. Je pleure à chaudes larmes et demande pardon à Dieu pour l'avoir si longtemps oublié. Mon bonheur est total.
Je passe le restant de la nuit à écrire. Je ne ressens aucune fatigue. Déjà le jour se lève sur le petit Paradis. Depuis cette rencontre, j'ai le sentiment d'avoir enfin trouvé la chaînon manquant à mon existence. Je sais que je ne serais plus jamais seul.

"Celui qui contemple les fenêtres du Bon Dieu ne s'ennuie pas; il est heureux." (Milan Kundera)