lundi 16 février 2009

L'esprit Indien

"Nous pouvons envisager une route sous deux aspects différents. Nous pouvons y voir ce qui nous sépare de l’objet de nos désirs et alors chaque pas que nous faisons dans notre marche est du terrain conquis de force en dépit des obstacles ; on peut également y voir ce qui nous conduit à notre destination et dans cette conception, elle fait partie de notre but, elle est déjà le commencement de notre succès ; en la parcourant nous ne pouvons gagner que ce qu’elle nous offre spontanément. Ce dernier point de vue est celui d’où l’inde envisage la nature. Pour nous le fait essentiel est que nous sommes en harmonie avec cette nature. L’Upanishad nous dit : «C’est en donnant que tu recevras»...


« Il est plus aisé pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille que pour un riche d’entrer dans le royaume des cieux » - ce qui implique que tout ce que nous chérissons en avares nous sépare d’autrui, nos richesses sont pour nous autant de limitations. L’homme occupé d’accumuler des trésors a un ego qui enfle sans cesse et il ne peut traverser les portes de compréhension dans un monde spirituel qui est le monde de l’harmonie parfaite. Il est enfermé dans l’étroite enceinte de ses petites acquisitions. Aussi l’essentiel de l’enseignement Upanishadique est-il : «Pour le trouver, il faut tout accueillir»...

Les Upanishads disent : «Perds-toi complètement en brahman comme une flèche qui est entièrement entrée dans la cible.» Etre ainsi conscient de se trouver absolument enveloppé en Brahman n’est pas un acte de simple concentration de l’esprit. Il faut que ce soit le but de la totalité de notre vie. Dans toutes nos pensées et dans toutes nos actions, nous devons avoir conscience de l’infini. Puisse la réalisation de cette vérité devenir plus facile chaque jour de notre vie ! «Nul ne pourrait vivre ou se mouvoir si l’énergie de la joie qui imprègne tout n’emplissait pas le ciel». Ressentons dans toutes nos actions cette impulsion de l’énergie infinie et soyons joyeux.

L’homme ne trouve pas le bonheur permanent en obtenant quoi que ce soit, mais en se donnant à ce qui est plus grand que lui, à des idées qui sont plus vastes que sa vie individuelle, à la notion de patrie, d’humanité, de Dieu. Ces idées lui facilitent la séparation d’avec ce qu’il possède, sans en excepter sa vie. Son existence est misérable et sordide jusqu’à ce qu’il trouve une belle idée qui puisse vraiment le réclamer tout entier, et le délier de tout attachement à ses possessions. Boudha, Jésus et tous nos grands prophètes représentent ces grandes idées. Ils nous offrent des occasions de tout abandonner. Lorsqu’ils nous présentent leur céleste sébile, nous ne pouvons faire autrement que donner, et nous trouvons qu’en ce don résident notre joie et notre libération les plus vraies, car dans toute la mesure où nous donnons, nous nous unissons avec l’infini."
Rabindranâth Tagore, Sâdhanä