lundi 4 mai 2009

REJOIGNIEZ-NOUS SUR : "ensemble, agissons"

Pour cela, il vous suffit de cliquer sur le lien ci-après:

lundi 30 mars 2009

Ainsi va la vie

Chers amis,

Une aventure s'achève. Une autre commence. Ainsi va la vie.

Pendant presque deux années, j'ai partagé avec vous les nourritures de ce blog. Nous avons fait connaissance, échangé des points de vue et nous avons été en communion d'esprit et de coeur. Ma gratitude est immense.

"Ecrire si ça sert à quelque chose, ce doit être à ça : à témoigner. A laisser ses souvenirs inscrits, à déposer doucement, sans en avoir l’air, sa grappe d’œufs qui fermenteront. Non pas à expliquer, parce qu’il n’y a peut-être rien à expliquer ; mais à dérouler parallèlement", écrivait JMG Le Clézio dans "L’extase matérielle".

Cette expérience m'a ouvert le chemin vers d'autres terres. Je vais à présent m'investir durablement dans un projet porteur d'espoir et d'avenir, celui de l'association "Ensemble, agissons", que certains d'entre vous ont déjà rejoint. Poursuivons notre chemin là où la vie nous attend. C'est le partage et l'amitié qui font vivre l'amour et donnent sens à cette vie.

Je vous embrasse.

Pour clôre ce chapitre, je vous offre ce bouquet de sourires métissés glanés au cours du dernier défilé de la Biennale de la danse.

mercredi 25 mars 2009

Le Printemps du cinéma

D'un coté un jeune homme illettré qui, contre toute attente, va remporter 20 millions de roupies à un jeu bien connu en Occident: "Qui veut gagner des millions?". C'est le film de l'écossais survolté Danny Boyle, "Slumdog millionnaire".

De l'autre coté, un jeune sans-papier, venu de son Kurdistan irakien, prêt à risquer sa vie pour rejoindre son amie (dont il est amoureux) de l'autre coté du Channel. C'est le film du discret Philippe Lioret, "Welcome".

Qu'ont en commun ces deux jeunes hommes, a peine sortis de l'adolescence? Rien sinon de vivre leur destinée sans que rien ne puisse les arrêter. "C'est écrit", lit-on en exergue du film de Danny Boyle.


Jamel (Dev Patel) a 18 ans. Il est questionné violemment pour être arrivé en finale du jeu "Who wants to be a millionnaire" dans la banlieue de Mumbaï (Bombay). Impensable disent les policiers goguenards et sûrs de leurs faits; Il a forcément triché. Sans doute a -t-il même bénéficié de complicités. Il va bien finir par avouer. Avec sa coréalisatrice Indienne, le réalisateur du brillant Trainspotting se jette à corps perdu dans une histoire qui nous plonge au coeur des bidonvilles de Bombay. Le subterfuge de l'écriture permet de retracer divers épisodes de la vie du jeune homme, depuis le massacre perpétré de sa jeune mère musulmane par des hindous intégristes jusqu'à la rétention contre son gré de sa jeune amie par un groupe de tueurs sans scrupules. J'en passe et des meilleures. Un série de poncifs et de clichés comme en raffole le cinéma Indien. Et bien sûr une happy end, puisque notre héros(?) va quand même remporter cette finale dans des circonstances assez invraisemblables et empocher le gros lot. Nos deux tourtereaux vont enfin pouvoir vivre leur love story sous le regard attendris de millions d'indiens qui rêveront, à leur tour, de semblables destinées.

De Bombay, on ne voit que les riches studios de Bollywood, dirigés par son animateur-producteur fétiche, peu enclin à la compassion. Quand il essaie d'induire en erreur notre jeune candidat, on soupçonne qu'il n'en est pas à sa première arnaque. Quand aux bidonvilles dans lesquels la caméra s'immisce de façon peu ragoûtante, ils servent de faire valoir et de décor à une histoire dont on tire toutes les ficelles, fusse au mépris de ce qui constitue le refuge de millions d'âmes dont la morale n'est pas à vendre.

Malgré toutes ces invraisemblances, on se laisse facilement emporter par le rythme du film, le jeu convaincant des acteurs, la musique entraînante, les couleurs, l'ambiance peu habituelle pour ce genre de film. Pas de chorégraphie mièvre (sauf pour le générique de fin), un rythme soutenu comme dans les meilleurs films américains et japonais. Car il s'agit avant tout de divertir le spectateur, de lui en mettre plein la vue. Le scénario misérabiliste ne change rien. Et cà marche, le temps d'un film qui ne laisse derrière lui qu'une traînée de poudre, à l'image d'un film de série B américaine ou d'un western spaghhetti. Du pur divertissement dans une mégapole bouillonnante de misère et de violence. "Slumdog millionnaire" a remporté 8 Oscars, dont celui du meilleur film, en 2008.


Bilal (Firat Ayverdi) lui, a 17 ans. Sa première tentative pour quitter son pays a été contrariée par des militaires locaux qui lui ont fait subir un véritable cauchemar en lui recouvrant la tête d'un sac plastique pendant une semaine. Comme tous les candidats à l'exode, Il a du payé 500 euros à un passeur véreux. Lorsqu'il se retrouve à bord d'un camion la tête enfermée dans un sac plastique pour ne pas être repéré par les détecteurs de CO2 des services de la douane, la toux qu'il ne peut réprimé entraîne l'échec de la traversée, pour lui et les autres clandestins embarqués dans cette aventure. Rien cependant ne semble pouvoir arrêter le candidat au passage qui veut à tout prix donner corps à son rêve: devenir un jour footballeur dans le célèbre club de Manchester, au cotés d'un Ronaldo pointant son doigt vers le ciel en signe de victoire. Avec l'aide d'un maître nageur sauveteur (Vincent Lindon, bouleversant de présence et de retenue) il va tenter l'impossible: rejoindre les côtes anglaises à la nage. Plus de 10 heures de traversée dans une eau à 10 degrés,en dépit des courants, des tankers et des bateaux qui patrouillent à grande vitesse. Il échouera à moins de 800 mètres du but rattrapé par des garde-côtes zèlés remplissant leur mission.

De Calais, on ne voit que des quais, des docks, des bureaux, des flics, un appartement, un supermarché, des plages à n'en plus finir, des tribunaux qui jugent à la va vite, dans le seul but que la ville ne devienne pas un camp de réfugiés en situation irrégulière. Et cet homme ordinaire qui, touché lui-même dans sa vie de couple ratée, se lance dans une aventure illégale, sévèrement réprimée (cinq ans de prison à quiconque vient en aide à un clandestin) comme pour se racheter une conduite, pour dire qu'il existe lui aussi et qu'il peut être utile à ce jeune homme (ce fils qu'il n'a pas eu) qui a fait 4000 kilomètres pour rejoindre celle qu'il aime alors qu'il n'a pas été fichu, lui, de traverser la rue pour retenir sa compagne.
Constat cruel, réalité amère, que Philippe Lioret (le réalisateur inspiré de L'équipier, Mademoiselle et Je vais bien, ne t'en fais pas) filme avec sensibilité, pudeur et une grande tendresse pour tous ses personnages, même ceux qui n'ont pas forcément le beau rôle. On sort du film bouleversé, touché au coeur, par cet élan de fraternité dont on voudrait bien être capable si on était dans pareille situation.

Deux films, deux auteurs, deux formes de cinéma. L'une extravertie, tout en démesure, enjôleuse, virevoltante, comme peuvent l'être les films indiens made in Bollywood. L'autre pudique, mesurée, rigoureuse, réaliste jusque dans les moindres détails, et poignante dans sa simple cruauté.
Deux destins. Deux manières d'être et de vivre dans le monde, au printemps de la vie.

vendredi 20 mars 2009

Un trésor d'expérience et de sagesse

Lorsqu'on est détenteur d'un savoir, d'un savoir-faire, d'une expérience que l'on a soi-même acquise au terme d'un dur labeur, impliquant remise en question, doutes, recherche, ascèse, se pose alors la question de la transmission. Qu'il s'agisse d'artisanat, de travail artistique ou de spiritualité, la question qui taraude tout transmetteur est: Qu'est ce que je veux transmettre? Comment vais-je m'y prendre pour que ce que j'ai moi-même appris puisse être reçu, compris, assimilé par quelqu'un d'autre?


"La transmission selon Arnaud Desjardins" n'échappe pas à la règle. En rédigeant ce livre, vingt cinq ans après "Confidences impersonnelles", Gilles Farcet, collaborateur pendant onze ans d'Arnaud Desjardins et témoin privilégié de la vie de l'ashram pendant toutes ces années, nous fait partager un trésor d'expérience et de sagesse extraordinaire et nous lui en sommes gré. "Il faut que ce soit le livre qui dise, après sa mort, qui était vraiment Arnaud Desjardins", écrivait l'auteur en août 2007. Pari ambitieux. Arnaud Desjardins avait pris soin de préciser: "L'important n'est ni vous ni moi, mais les services que ce livre pourra rendre à d'autres". Pari tenu. Cet ouvrage marquera les esprits et restera, j'en suis sûr, une référence pour tous les chercheurs spirituels soucieux de conduire une réflexion sur l'enseignement, la transmission, et la gestion d'un héritage spirituel.

Dans la première partie du livre, toutes les questions, les interrogations relatives à la nature de l'éveil, son intégration et sa maturation, sur la non-dualité, sur l'appartenance à une lignée, sur la relation maître et disciple, (selon qu'il se situe dans approche directe ou indirecte) ou sur les enjeux délicats que pose la poursuite d'une transmission d'un héritage spirituel sont abordées avec le maître. Sans concessions, sans soumission à la parole du maître, avec parfois même un brin d'impertinence mais toujours avec une grande générosité. Mâ Ananda Mayî, Swami Ranmdas, Chandra Swami, Ramana Maharshi, Khyentsé Rinpoché, Sensei Deshimaru et bien sûr Swamiji Prajnânpad sont les maîtres les plus souvent cités par Arnaud Desjardins qui a eu la chance de les approcher au cours des longs séjours qu'il fit en Inde et au Japon. Sans oublier les maîtres soufis d'Afghanistan ou Lee Lozowick, qui sous ses allures de rockeur, n'en est pas moins l'un de ses plus fidèles amis spirituels.

Toutes celles et ceux qui ont écouté Arnaud Desjardins ont pu apprécié ses talents de pédagogues. Sa manière d'exposer la pratique, en utilisant le plus souvent des exemples empruntés à la vie de tous les jours dans lesquels chacun peut se reconnaître. Sa parole est claire, aussi simple que le sujet l'autorise, précise et toujours pleine de bon sens.

Même si Arnaud Desjardins représente pour beaucoup d'entre nous l'incarnation de la plus haute possibilité de la conscience humaine, celui-ci nous rappelle sans cesse que "les plus hautes vérités métaphysiques sont perceptibles au coeur de l'expérience immédiatement ordinaire". "10% inspiration, 90% perspiration" disait Swamiji Prajnânpad, à un Arnaud encore impatient de progresser sur la voie. L'incompréhensible et mystérieux mouvement de la vie fait le reste. "De toutes les façons, tu ne pourras éviter d'accomplir les actions que tu portes en toi, qui sont dans ta nature", disait en substance Krishna à Arjuna dans la Bhagavad-gîtâ.

Que l'on qualifie le maître d'éveillé, de libéré vivant, qu'il ait atteint l'illumination, le satori, la réalisation suprême, le Soi, (suivant le qualificatif en usage dans différentes voies), importe peu. L'important est qu'il soit établi dans une autre perspective, dans le lâcher -prise absolu, dans l'évidence du "Ici et maintenant, où à chaque seconde suffit son oui" et que son comportement soit en adéquation avec l'enseignement dont il est porteur. A la question posée par un retraitant: Qu’est-ce qu’un sage ? Qu’est-ce qu’un homme libéré ? "C’est un être unifié qui ne doute plus, qui est un avec l’émotion et non plus emporté par elle. C’est un homme libre en paix avec lui-même et avec le monde", avait répondu Véronique Desjardins à la Khanaqa un soir de décembre 2006.

L'association des Amis d'Hauteville compte aujourd'hui plus de deux mille membres. A quatre vingt trois ans, Arnaud Desjardins fait figure de patriarche spirituel. Son rayonnement et sa noble présence ont touché le coeur de ceux qui ont eu la chance de croiser son chemin. Sa capacité à rassembler et à faire vivre ensemble les sensibilités les plus diverses témoignent de son ouverture sur le monde. La liste de ses collaborateurs (anciens et actuels) témoigne de cette diversité des approches et des caractères. L'accueil, au sein même de l'ashram, de courants appartenant à diverses traditions, matérialisés par les lieux de recueillement (chrétien, juif, musulman et tibétain) sont aussi la preuve tangible de cette ouverture du coeur.

L'évolution de la vie de l'ashram, preuve temporelle de la transmission vivante dont Arnaud Desjardins est la figure emblématique, fait l'objet de la deuxième partie du livre.
L'implantation au Bost en Auvergne (de 1974 à 1983) aura été le creuset de ce qui deviendra Font d'Isière dans le Gard (de 1984 à 1994) puis Hauteville en Ardèche (de 1994 à aujourd'hui). A chaque étape de l'évolution de la vie de l'ashram, Arnaud Desjardins a fait preuve de flexibilité pour continuellement s'adapter à la demande et aux besoins des nouveaux arrivants. En ne transigeant jamais sur l'essentiel: sa fidélité à Swamiji Prajnânpad et à l'esprit transmis par son maître, confiant dans le processus de transmission et la poursuite de la lignée.

Le chemin de la maturation intérieure est long et parsemé d'embûches, martèle-t-il à tous ceux qui se mettent en chemin. Toute situation de la vie quotidienne devient l'occasion d'essayer de mettre en pratique l'enseignement reçu. On ne transige pas avec l'essentiel, même s'il est important de respecter la vitesse et la capacité d'intégration de chacun, pourvu que la démarche soit empreinte de sincérité. L'expérience des collaborateurs et leur maturité sur la voie, sera une aide précieuse, parce que plus directement accessible. "Qu'est ce qu'un collaborateur? Quelqu'un qui a suffisamment mûri pour ne plus se faire d'illusions sur lui-même ou le moins possible", rappelle le maître. "Il est un canal, un instrument, un serviteur" qui participe à sa manière à la guérison du monde.

Pour qui veut bien ouvrir son coeur et placer la pratique au centre de son existence, tout devient possible. En août 2008, répondant à des questions au sujet du livre en cours, Arnaud fit cette remarque: "Je n'ai pas le sentiment d'avoir fait quoi que ce soit, sinon accompagner un mouvement irrésistible, m'adapter aux demandes". Puissions-nous un jour pouvoir tenir de tel propos. Ce sera le signe que ce que nous aurons fait de notre vie n'aura pas été vain et que nous pourrons quitter notre enveloppe corporelle définitivement en paix avec nous-mêmes.

J'ai apprécié l'exigence, la précision, l'humilité avec laquelle Gilles Farcet s'est emparé de cette mission certainement très exaltante mais aussi un peu casse-gueule. Jamais il ne cède à la facilité. Sa ténacité dans l'échange donne même parfois le vertige. Comment? Il a osé? Cet ouvrage est passionnant car il met en perspective la nature de l'enseignement, la pratique et le long cheminement du disciple. La qualité d'écriture et la vision d'ensemble servent admirablement le propos. Tout est affaire de préparation, de maturation, comme le rappelle Gilles Farcet et comme le montre si bien ce livre.

PS: Vient également de paraître, aux Editions de la table Ronde: "Spiritualité, De quoi s'agit-il".
Arnaud Desjardins répond aux questions de son fils Emmanuel, l'auteur de "Prendre soin du monde" (cf post du 19/02/2009)

samedi 14 mars 2009

Lee Lozowick Band



En cette fin du mois de Juillet 2008, Lee Lozowick et sa joyeuse bande sillonnent la France, l'Allemagne et la Belgique, invités par des municipalités dans le cadre des concerts gratuits de l'été. Nous nous sommes retrouvés à La Roche sur Foron, petit village de Haute-Savoie, pour un concert décoiffant, à la tombée de la nuit.

Dès l'ouverture du récital, le ton est donné. Priorité aux chansons de l'album 2008: "Une langue de venin, une âme d'amour" dont les refrains impriment immédiatement les mémoires: Stay in love, Take me away , Eyes on you. Le timbre grave et un peu rocailleux du crooner se fond avec la musique aux accents tantôt rock tantôt blues. Un répertoire qui n'hésite pas à emprunter également à Bob Seger, Dylan, Ray Charles ou Muddy Waters. L'excellent guitariste qui lui donne le change est des plus convaincants et la complicité entre les tous les musiciens est perceptible. Un cocktail indispensable quand on sait que Mister Lee enchaîne les chansons dans un ordre non établi à l'avance. Le public est peu à peu conquis. Certains n'hésitent pas à venir danser à l'avant-scène.

Lorsqu'il entonne la chanson "Listen to your heart", accompagné par un groupe de choristes survoltés et une violoniste visiblement très inspirée, je vibre à l'unisson.

jeudi 12 mars 2009

Tibet, un peuple en sursis

Pierre Yves Ginet, photojournaliste au magazine Lyon Capitale (dossier spécial du mois de mars 2009), a mené l'enquête durant près de dix ans au Tibet et en Inde, à la rencontre d'une nation menacée de disparition.

Depuis le début du conflit et le soulèvement du peuple Tibétain le 10 mars 1959, rappelle-t-il, l'occupation chinoise a eu pour effet: la mort de 1,2 millions de Tibétains, la torture et l'emprisonnement de milliers de civils et de moines; la destruction de la quasi totalité des 6000 temples et monastères; la disparition d'un patrimoine considérable; l'assujettissement à une économie coloniale, le développement d'une campagne contre le Dalaï Lama et toute représentation de sa personne; l'arrivée massive de colons chinois; l'exode de 140 000 réfugiés...

La paupérisation, la ségrégation et l'illettrisme accélèrent la marginalisation d'une population submergée par les 7,5 millions de colons chinois. La prostitution prospère à grand pas, notamment à Lhassa. Malgré cela, les Tibétains résistent toujours. Depuis peu certains jeunes notamment se démarquent de la politique de non-violence prônée par le Dalaï Lama et s'exposent à une répression sanglante. La communauté internationale ne s'émeut guère, résignée, semble-t-il, devant le génocide en cours, car les intérêts économiques relèguent cette question au second plan de leurs échanges.

Au-delà du drame humain effroyable que constitue l'annexion du Tibet par la Chine, malgré la force spirituelle hors du commun d'un Dalaï Lama et des moines, on peut s'interroger sur les raisons de ce combat dont l'issue semble inéluctable tant le rapport de forces entre les deux communautés joue en faveur de l'ogre chinois qui détient les rênes de la politique, de l'armée et de l'argent.


Le magazine Lyon Capitale rappelle que ce sont les intérêts économiques qui priment avant toute considération de culture, de communauté, d'identité. Combien de temps le peuple Tibétain pourra-t-il encore résister lorsque l'on sait que le Prix Nobel de la Paix est présenté au peuple chinois comme un dangereux terroriste responsable des soulèvements et du désordre? L'histoire a parfois démontré que certaines causes, aussi justes et nobles soient-elles, ont fini noyées dans un bain de sang.
Espérons encore que ce ne sera pas le cas au Tibet.

Pourquoi la Chine tient-elle tant à maintenir le Tibet sous sa coupe ? (06/03/2009 )
Extraits:

Le Tibet offre des ressources que la troisième puissance mondiale convoite, aujourd'hui plus que jamais.
De l'or, du lithium, du zinc, du cuivre, le sous-sol du plateau tibétain en regorge. Profitant de cette aubaine, la Chine a lancé, en 2008, de vastes recherches à travers tout le Tibet historique pour y trouver ces minerais stratégiques, et notamment le lithium, un composant phare de l'acier inoxydable et des batteries de téléphones portables. Un marché indispensable à l'économie de la Chine. Le sous-sol tibétain recèlerait également des gisements massifs en gaz, potassium, et pétrole (plus de 20% des réserves mondiales) : des richesses hydrocarbures essentielles pour le programme du « développement de l'Ouest » entrepris en 2001 par Pékin en vue de la création d'un « Ouest chinois ».

Les besoins en eaux se font péniblement sentir de l'autre côté de la muraille. La Chine, affaiblie par ses réserves en eaux polluées, puise dans celles du Tibet, qui voit passer sur son territoire six fleuves majeurs de l'Asie. Mathieu Verneray, rédacteur en chef de la revue Alternative Tibétaine, raconte « les projets hydrauliques de la Chine sont nombreux, un ponctionnement du Tibet se fait régulièrement, et la Chine n'hésite pas à dériver les eaux, notamment le Yang Tsé au Tibet vers le Huang Hé au Nord de la Chine ».

Les chinois sont fatigués. Admirative des paysages idylliques et intacts d'un Tibet trop bosselé pour être aménagé par Pékin, la Chine élit résidence secondaire sur le plateau tibétain, histoire de joindre l'utile à l'agréable. Bus de tour-opérateurs, paysages « carte postale », tourisme spirituel, initiation aux prières et achats de Lung-Ta, les chinois raffolent de la culture tibétaine. Selon Caroline Benollet : « A part Lhassa, le territoire tibétain est trop accidenté pour être urbanisé, alors les Chinois en profitent autrement : ils s'y reposent ».

Du haut des montagnes tibétaines, « la Chine domine toute l'Asie », constate Anne-Marie Blondeau, chercheur au Centre de documentation sur l'aire tibétaine de Paris. Un sentiment d'orgueil que la Chine n'est pas prête d'abandonner. Selon Mathieu Verneray, il ne faut pas céder au fatalisme car l'hégémonie chinoise n'est pas absolue : « le Tibet n'est pas l'El Dorado pour la Chine ». Le journaliste ajoute : « les infrastructures,les projets hydrauliques, les gisements, les primes pour les colons chinois envoyés au Tibet ainsi que les problèmes environnementaux, toute cette puissance coloniale représente un coût important pour Pékin ». « Si les retombées ne sont pas suffisantes, la Chine pourrait peu à peu lâcher prise » espère t-il.

mardi 10 mars 2009

To do the best one can

Don Miguel Ruiz est un chaman mexicain, un nagual de la lignée des Chevaliers de l’Aigle. Sa vie bascule en 2002 lors d'une expérience de mort imminente qui l'aurait inspiré à chercher des réponses aux questions de l'existence dans la tradition toltèque. Dans "Les 4 accords toltèques", l'auteur montre en des termes simples comment se libérer du conditionnement collectif basé sur la peur.

"Il y a plusieurs milliers d’années, les Toltèques vivaient dans le Sud du Mexique ; ils étaient connus comme des hommes et femmes de connaissance . Il ne s’agissait pas d’une nation ni d’une race, comme les Aztèques ou les Mayas. Ils étaient les gardiens de la connaissance spirituelle et détenaient une position sacrée dans la société, comme les lamas du Tibet. A cause de la conquête européenne et de peur des persécutions religieuses, les maîtres toltèques ont dissimulé leur enseignement durant des centaines d’années. Maintenant que le climat religieux est plus tolérant, la sagesse toltèque est à nouveau disponible pour ceux qui mènent une quête spirituelle.

Bien qu’elle ne soit pas une religion, la voie toltèque honore la vérité présente dans toutes les traditions spirituelles du monde. Comme le Védanta et d’autres écoles métaphysiques, les Toltèques enseignent qu’il n’y a qu’un seul être vivant dans l’univers, qui se manifeste dans toutes les galaxies, les systèmes planétaires, toutes les formes de vie, y compris l’être humain. Toute chose, y compris nous-mêmes, est l’émanation de cet Etre immense et merveilleux. Comme les sages de l’Inde, les Toltèques savent que le destin de l’humanité est de s’éveiller et de découvrir l’Etre Unique qui se trouve au-delà des noms, des personnalités et de la séparation. Cet Etre Unique joue tous les rôles dans le grand drame de la vie.

Pour que nous puissions bien jouer notre rôle, les Toltèques enseignent aux gens comment être heureux en voyant à travers leurs masques sociaux et en exprimant leur soi véritable. Ils leur montrent comment se libérer des attentes d’autrui et de leurs propres croyances limitatrices."

Que ta parole soit impeccable
Parle avec intégrité, ne dis que ce que tu penses. N’utilise pas la parole contre toi-même, ni pour médire sur autrui.

Ne réagis à rien de façon personnelle
Ce que les autres disent et font n’est qu’une projection de leur propre réalité, de leur rêve. Lorsque tu es immunisé contre cela, tu n’es plus victime de souffrances inutiles.

Ne fais aucune supposition
Aie le courage de poser des questions et d’exprimer tes vrais désirs. Communique clairement avec les autres pour éviter tristesse, malentendus et drames. A lui seul, cet accord peut transformer ta vie.

Fais toujours de ton mieux
Ton « mieux » change d’instant en instant, quelles que soient les circonstances, fais simplement de ton mieux et tu éviteras de te juger, de te culpabiliser et d’avoir des regrets.

Yes, we can...

mercredi 4 mars 2009

Cultiver la gratitude

Au temps de ma jeunesse, j'ai adoré Léo. Son audace, sa verve, son verbe, sa révolte. Il figurait au panthéon des poètes musiciens. Le bras du mange-disque allait et venait sur les chansons phares des années 70: La vie d'artiste, On s'aimera, Cette blessure, Ton style, L'amour fou et... La solitude.

Je suis d'un autre pays que le vôtre, d'un autre quartier, d'une autre solitude.
Je m'invente aujourd'hui des chemins de traverse.
Je ne suis plus de chez vous. J'attends des mutants.
Biologiquement je m'arrange avec l'idée que je me fais de la biologie: je pisse, j'éjacule, je pleure.
Il est de toute première instance que nous façonnions nos idées comme s'il s'agissait d'objets manufacturés.
Je suis prêt à vous procurer les moules.
Mais... La solitude...

Je me souviens d'un concert donné la Maison de la Culture de Rennes. Comme à son habitude, Léo avait quitté la scène en direction du parterre des spectateurs. Eructant ses mots avec rage, il s'était rapproché de moi et j'avais senti l'écume de sa voix sur mon visage.

Et le temps a passé. Léo n'est plus. Parfois encore il me manque. Il nous manque. Sa voix nous manque. Sa façon inimitable de dire la cruauté de la vie. Le temps d'une chanson.

A l'indignation de Léo auquel j'ai longtemps adhéré répond aujourd'hui le sentiment de gratitude. Gratitude envers la vie qui n'a pas été toujours très tendre.

Dans un livre qui vient de paraître aux Editions Belfond, l'américain Robert Emmons, s'appuyant sur les dernières études des psychologues et sur des recherches en philosophie, théologie ou en anthropologie, nous invite à cultiver les vertus de la gratitude pour égayer et apaiser nos vies. S'exercer à à la reconnaissance au travers de petits rituels simples et d'outils existentiels nous permet d'accueillir chaque situation comme un cadeau de la vie. Dire oui à l'existence.

"Souvent nous croyons que ce n'est qu'après avoir résolu nos problèmes quotidiens que nous accéderons à la joie, mais c'est plutôt en la nourrissant que nous pouvons traverser les épreuves", écrit le philosophe Alexandre Jollien dans sa Préface.

L'histoire de Job nous en donne un bel exemple. "Dieu nous accorde-t-il les bienfaits sans raison?" demande Job. "Et nous envoie-t-il aussi les maux sans raison?" Job subit toutes les épreuves. Sa famille, ses richesses, sa santé, tout lui est ôté. Il persiste dans sa fidélité à Dieu et il reçoit en retour deux fois plus. Tout lui est à nouveau donné. Et il vivra plus de 140 ans, est-il dit. La gratitude lui a permis de transformer une tragédie en croissance intérieure.

"L'optimisme, la vigueur, le sens de l'humour, le soutien social, le sentiment d'un but et d'un sens, la spiritualité sont de puissants facteurs de résilience", écrit Robert Emmons. Il prend aussi à témoin Elie Wiesel pour qui "tout ce qui est positif en toute situation et en être creuse le tunnel vers la liberté et brise la forteresse du désespoir. Ce simple processus a le pouvoir de transformer votre vie. Votre liberté commence avec la gratitude pour les petites choses. Gagner ainsi du courage et de la force pour atteindre les grandes choses".


Comment intégrer la gratitude dans notre caractère et dans notre quotidien? Pouvons-nous y travailler, la cultiver consciemment? Robert Emmons répond par l'affirmative. Parmi les 10 méthodes qu'il propose de mettre en pratique, retenons en quelques-unes.


- Tenir un journal de gratitude afin de nous souvenir des cadeaux, des bienfaits, des moments de grâce et des bons éléments de notre vie: une rencontre, un sourire, une parole gentille, une aide inespérée, des événements et des situations qui peuvent paraître banales parce qu'on leur prête pas l'attention qu'ils méritent.
- Se rappeler des temps difficiles. Se remémorer des épreuves et le chemin parcouru depuis nous permet d'avoir une pleine conscience des changements qui se sont opérés grâce à nous ou malgré nous.
- Apprendre des prières de gratitude. A l'instar de celle proposée par le maître bouddhiste Thich Nhat Hanh:
Au réveil ce matin, je vois le ciel bleu
Et joins les mains en remerciement
Pour les multiples merveilles de la vie
Pour ces vingt quatre heures toutes neuves.
- Choisir la compagnie de personnes sachant être reconnaissantes et bénéficier de leur influence
- Revenir à la raison de nos sens pour apprécier le miracle incroyable d'être vivant.

Alors si la nostalgie encore affleure à l'écoute de la chanson de Léo, cultivons la reconnaissance comme un défi audacieux dont nous recevrons les bienfaits.
Avec le temps...

"Merci", Robert Emmons, Editions Belfond 2008, préface d'Alexandre Jollien.

jeudi 19 février 2009

Une révolution spirituelle

- C'est la crise, entend-on de tous cotés. Le mot est sur toutes les lèvres, Il s'insinue dans toutes les conversations. Il est proclamé sur tous les tons, en toutes circonstances. Difficile d'en cerner les contours. Chacun lui donne un sens différent, ajoutant sa touche personnelle à la morosité ambiante, comme pour se convaincre qu'il n'est pas le seul à ramer à contre-courant. Les propos sont souvent alarmistes: nous sommes engagés dans une voie irrémédiable, le monde court à sa perte. Tous les aspects de la société (politique, social, culturel, religieux) sont impliqués dans cette vision du monde qui conduit les plus extrémistes à vouloir mettre le monde à feu et à sang.


Au milieu de tout ce tumulte, avec lucidité (il n'élude aucune des difficultés actuelles), Emmanuel Desjardins nous dit que tout n'est pas foutu, qu'il faut que nous ayons le courage de regarder le monde tel qu'il est et non pas tel que nous aimerions qu'il soit.

"Prendre soin du monde, survivre à l'effondrement des illusions. Prendre conscience de l'inéluctabilité du tragique de la condition humaine et réinventer un nouveau paradigme qui implique un changement de mentalité et une nouvelle façon d'agir." Freud, Festinger, Rosset, ont dénoncé en leur temps un monde qui dénie le réel et se berce d'illusions. Le communisme soviétique, au siècle dernier, aura fourni l'exemple par excellence de cette imposture.

"Notre incapacité à trouver un sens au tragique de la condition humaine, notre malaise lorsque nous en sommes témoins, et plus encore notre difficulté à le vivre lorsqu'il nous frappe personnellement, nous plongent dans un conflit intérieur extrême. Tout en nous crie: "Non, non, dites-moi que ce n'est pas vrai, que ce n'est pas pour moi, que cela ne m'arrivera pas, ni à moi, ni à mes proches, ni à mes voisins, ni à mon pays" Ce cri du coeur, combien de fois ne l'a-t-on pas exprimé ou entendu? Nous avons tous au fond de nous la nostalgie du paradis perdu entretenu par un certain christianisme. Le progrès technologique et la croissance économique ont mobilisé les énergies entretenant l'espoir que nous pourrions un jour mettre fin à nos souffrances. Mais aujourd'hui, la philosophie de l'histoire progressiste a fait long feu. Fini les jours meilleurs et les lendemains qui chantent. "Plus personne ne sait où nous allons", renchérissent les observateurs.

Le tout-est-possible, l'optimisme et le volontarisme aveugle, le rejet de la faute sur les autres, la logique du bouc émissaire ne suffisent plus à endiguer les désenchantements. Alors que faire?
"En chacun de nous s'opposent deux forces contradictoires, l'une tournée vers la liberté, l'autre vers la dépendance. Nous vivons dans un équilibre fragile, entre amour et haine, maladie et guérison, pragmatisme et idéalisme. En affirmant que les dés sont pipés, les pseudo-réalistes s'épargnent la douloureuse confrontation à la souffrance du monde qui est est nécessaire pour entreprendre une action adaptée."

La plupart du temps, nous vivons la réalité sur le mode de la révolte, du regret, de l'espoir, de la croyance ou de l'illusion. Dans tous les cas nous alimentons un conflit intérieur que nous cherchons à combler par toutes sortes de moyens. "Pas ce qui devrait être mais ce qui est", disait Swamiji Prajnanpad.

Poursuivant son raisonnement, Emmanuel Desjardins tente d'explorer quelques propositions constructives. Pour cela il s'appuie sur quelques valeurs cruciales qui régissent nos sociétés.

La démocratie et le respect des droits de l'homme sont un rempart contre le chaos et la dictature. La loi est du coté de la réalité. "Respecter le réel ne signifie pas s'incliner devant les injustices, Cela signifie que l'illusion n'est pas bonne conseillère, que l'on reconnaît la complexité du réel, et que l'on respecte le rythme avec lequel il peut changer".

Nous avons perdu le sens du long terme. "Diminuer les tensions à long terme, c'est tenir compte de l'intérêt particulier en satisfaisant les exigences de la morale et de la justice... Une politique à long terme exige des sacrifices et se révèle impopulaire... Qui veut prendre soin du monde doit intégrer l'environnement et l'écologie politique. Comment produire du sens? Comment sauver la Planète?", interroge Emmanuel Desjardins.

Face à la faillite du libéralisme et du socialisme, Emmanuel Desjardins prend le parti de la création qui mettrait au centre de la vie humaine d'autres significations que l'expansion de la production et de la consommation. Il appelle de ses voeux à la naissance d'un nouveau parti, écologiquement engagé, se réclamant d'une nouvelle vision du monde qui prendrait à son compte "le réalisme positif".
"Pour le réalisme positif, il n' y a pas d'un coté la dure réalité, et de l'autre la splendeur de l'idéal. il n' y a que la réalité, mais toute la réalité, avec le positif et le négatif, la joie et le tragique, la libération et l'oppression, les forces de guérison et les forces de destruction".
A ce stade, il apparaît nécessaire de remettre en cause certains aspects de notre société. "La grande question philosophique, écrit Frédéric Moignot dans le Journal Le Monde, sera notre capacité à réformer notre mode de vie, à changer nos manières de consommer, de penser notre confort, de vivre dans l'abondance et le gaspillage, à accepter une possible décroissance." Privilégier l'être à l'avoir. Ainsi parlait Socrate, il y a deux mille ans.

"L'expression révolution spirituelle renvoie au renouveau d'intérêt pour un vaste domaine qui comprend la sagesse, la philosophie antique, les religions orientales, le développement personnel, et ce que certains appellent un art de bien vivre". Se remettre en cause, échapper à l'égoïsme et à la peur, être capable d'aimer, être heureux ici et maintenant. "Intérieurement, chercher à s'éveiller", comme le chante I AM . Réaliser ce que l'on porte en soi. Se changer soi-même et changer le monde: "Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que soit dans le monde extérieur que nous n'ayons d'abord corrigé en nous", écrivait Etty Hillesum dans "Une vie bouleversée".

"Tout est en permanence parfaitement heureux et complètement tragique, selon l'endroit où se porte notre regard." Prenons de la hauteur, ouvrons-nous à une perspective plus vaste, comme nous y invite Emmanuel Desjardins."Ne plus opposer l'un à l'autre mais s'intéresser à la manière dont ils peuvent de renforcer mutuellement", voilà la vraie révolution que nous devons entamer ou poursuivre.
"Si une mutation doit avoir lieu, elle sera aussi le fruit d'une multitude d'initiatives personnelles et locales. Il appartient à chacun de trouver en lui-même les ressources intérieures lui permettant d'être heureux ici et maintenant, dans le monde tel qu'il est. C'est une responsabilité dont nous ne pouvons démissionner, sans perdre de notre humanité et de notre profondeur."

La démonstration est claire, les exemples judicieusement choisis. Cet essai socio-politique a la rigueur d'un travail universitaire avec un supplément d'âme, celui d'un homme au contact permanent avec la sagesse du quotidien. Dans un contexte qui reste fragile, le livre d'Emmanuel Desjardins apporte un peu de baume au coeur et fait jaillir un lueur d'espoir. Emboîte-on lui le pas et sachons garder la lampe allumée au fond de notre coeur.

PS: "Prendre soin du monde", Editions Alphée ° Jean-Paul Bertrand 2009. Emmanuel Desjardins est également coauteur d'un ouvrage d'entretien avec Arnaud Desjardins, "Spiritualité, de quoi s'agit-il ?", aux Editions de la Table Ronde.

lundi 16 février 2009

L'esprit Indien

"Nous pouvons envisager une route sous deux aspects différents. Nous pouvons y voir ce qui nous sépare de l’objet de nos désirs et alors chaque pas que nous faisons dans notre marche est du terrain conquis de force en dépit des obstacles ; on peut également y voir ce qui nous conduit à notre destination et dans cette conception, elle fait partie de notre but, elle est déjà le commencement de notre succès ; en la parcourant nous ne pouvons gagner que ce qu’elle nous offre spontanément. Ce dernier point de vue est celui d’où l’inde envisage la nature. Pour nous le fait essentiel est que nous sommes en harmonie avec cette nature. L’Upanishad nous dit : «C’est en donnant que tu recevras»...


« Il est plus aisé pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille que pour un riche d’entrer dans le royaume des cieux » - ce qui implique que tout ce que nous chérissons en avares nous sépare d’autrui, nos richesses sont pour nous autant de limitations. L’homme occupé d’accumuler des trésors a un ego qui enfle sans cesse et il ne peut traverser les portes de compréhension dans un monde spirituel qui est le monde de l’harmonie parfaite. Il est enfermé dans l’étroite enceinte de ses petites acquisitions. Aussi l’essentiel de l’enseignement Upanishadique est-il : «Pour le trouver, il faut tout accueillir»...

Les Upanishads disent : «Perds-toi complètement en brahman comme une flèche qui est entièrement entrée dans la cible.» Etre ainsi conscient de se trouver absolument enveloppé en Brahman n’est pas un acte de simple concentration de l’esprit. Il faut que ce soit le but de la totalité de notre vie. Dans toutes nos pensées et dans toutes nos actions, nous devons avoir conscience de l’infini. Puisse la réalisation de cette vérité devenir plus facile chaque jour de notre vie ! «Nul ne pourrait vivre ou se mouvoir si l’énergie de la joie qui imprègne tout n’emplissait pas le ciel». Ressentons dans toutes nos actions cette impulsion de l’énergie infinie et soyons joyeux.

L’homme ne trouve pas le bonheur permanent en obtenant quoi que ce soit, mais en se donnant à ce qui est plus grand que lui, à des idées qui sont plus vastes que sa vie individuelle, à la notion de patrie, d’humanité, de Dieu. Ces idées lui facilitent la séparation d’avec ce qu’il possède, sans en excepter sa vie. Son existence est misérable et sordide jusqu’à ce qu’il trouve une belle idée qui puisse vraiment le réclamer tout entier, et le délier de tout attachement à ses possessions. Boudha, Jésus et tous nos grands prophètes représentent ces grandes idées. Ils nous offrent des occasions de tout abandonner. Lorsqu’ils nous présentent leur céleste sébile, nous ne pouvons faire autrement que donner, et nous trouvons qu’en ce don résident notre joie et notre libération les plus vraies, car dans toute la mesure où nous donnons, nous nous unissons avec l’infini."
Rabindranâth Tagore, Sâdhanä

mercredi 11 février 2009

L'appel de l'Inde (6)

Bientôt 2 ans que nous sommes allés en Inde. Nous avions rencontré Vishalakshi et sa famille pour la première fois en Avril 2007. La fillette a grandi. Elle a désormais 13 ans. Grâce au Capucin Krishik Seva Kendra, elle poursuit ses études avec des résultats tout à fait satisfaisants. Le soutien que nous lui apportons ainsi qu'à sa famille participe à de meilleures conditions de vie. Les éducateurs présents sur le terrain nous montrent l'exemple d'une vraie générosité au service des plus pauvres. Quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent (hindous, musulmans, chrétiens), ils travaillent ensemble pour l'intérêt de tous.


Quand on sait que le salaire mensuel d'un travailleur saisonnier est de 30 euros environ, on comprend mieux combien le travail des associations oeuvrant pour le développement en milieu rural en terme d'éducation, d'assistance à la santé, de micro-projets, représente un enjeu important pour l'avenir même de ce pays. Pouvoir disposer d'un téléphone ou d'un robot électrique (les nouvelles acquisitions de notre famille) représente une avancée considérable en terme de confort de vie et de bien-être. Une goutte d'eau sans doute vu d'ici. Mais comme le dit notre ami Alwyn, même les petites choses sont au service d'un bien plus grand. Alors n'ayons pas peur des petites choses et mettons nous à l'ouvrage.

L'association "Ensemble, agissons" se mobilisera autour des projets de développement dans la région de Potnal, dans le Nord du Karnataka. Une région très pauvre et très isolée. Fr Arun est en train de préparer les propositions concrètes de leur mise en oeuvre. Nous devrions obtenir ces éléments avant l'Assemblée constitutive du 2 mai prochain. Alors si le coeur vous en dit, vous pouvez encore nous rejoindre. Plus nous serons nombreux, plus notre capacité à répondre à l'appel de nos amis Indiens sera grande. Un vrai challenge qu'il nous appartient de relever avec enthousiasme et gratitude.

samedi 7 février 2009

L'enchantement simple

Il s'appelle Christian Bobin, Il est né en 1951 au Creusot, ville étape de la ligne TGV Paris-Lyon. "Dans le lieu où j'habite, on doit être à 50 mètres à vol d'oiseau de l'endroit où je suis né". Ses parents étaient de modestes ouvriers.

Il y a quelques semaines encore, son nom m'était étranger. Et puis un jour, sur un blog ami, j'ai découvert quelques phrases extraites de son oeuvre. J'ai parcouru les librairies modernes et anciennes en quête de quelques titres évocateurs: "L'enchantement simple", "La lumière du monde", "Le Christ aux coquelicots". Par chance un ami bouquiniste possédait la plupart des livres disponibles dans la collection "Folio" Gallimard. J'ai embarqué le lot sans hésitation et je me suis empressé de lire, à la suite et souvent d'un seul élan au milieu de la nuit, une grand nombre de ses ouvrages.


J'ai aimé le regard simple et la force pure d'"Une robe de petite fête",
J'ai adoré suivre Albain sur les traces du sourire de "Geai" ,
J'ai cherché dans le visage de la jeune mère "La part manquante" de tout amour,
J'ai croisé le destin d' "Isabelle Bruges",
J'ai vibré à l'évocation de la vie de St François d'Assise dans "Le Très-Bas",
J'ai succombé à la passion amoureuse pour "Louise Amour",
J'ai épousé la jeunesse d'Albe, l'héroïne de "La femme à venir",
J'ai écouté les paroles réveillées et recueillies par Lydie Dattas dans "La Lumière du monde",
J'ai été intimement touché par "La plus que vive", hommage rendu à son amie Ghislaine, morte à 44 ans d'une rupture d'anévrisme. Oraison funèbre, chant d'amour flamboyant et formidable hymne à la vie.

"Ressusciter" raconte la relation de deux êtres qui s'éloignent peu à peu; "J'ai pendant un an rendu visite à mon père dans la maison où sa mémoire jour après jour rétrécissait comme une buée sur du verre, au toucher du soleil. Il ne me reconnaissait pas toujours et cela n'avait pas d'importance. je savais bien, moi, qu'il était mon père. il pouvait se permettre de l'oublier. il y a parfois entre deux personnes un lien si profond qu'il continue à vivre même quand l'un des deux ne sait plus le voir". Et plus loin: "L'amour est le miracle d'être un jour entendu jusque dans nos silences, et d'entendre en retour avec la même délicatesse: la vie à l'état pur, aussi fine que l'air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse".

Les récits de Christian Bobin se situent entre roman, journal, essai et poésie. Ils ont cette particularité d'être très bref et de témoigner d'un itinéraire philosophique hors du commun.

La solitude, il en a mesurer le poids et la durée. "J'ai été seul pendant deux mille ans -le temps de l'enfance". "Prisonnier au berceau", le jeune Bobin n'a d'autre choix que de rêver d'un ailleurs: "J'ai toujours habité deux villes: le Creusot et la ville qui est au-dessus des nuages".

Christian Bobin est un écrivain secret, en marge des médias, des modes et de la littérature traditionnelle. Un écrivain du coeur, amoureux de la nature ("un livre ouvert en permanence"), soucieux de maintenir en toutes circonstances "l'espoir du paradis".
Plus proche de Le Clézio, auquel il s'apparente ( écriture limpide, choix des mots, précision du vocabulaire) que de Sollers. "Ecrire, c'est prendre les mots un à un et les laver de l'usage abusif qui en a été fait. Il faut que les mots soient propres pour être bien utilisés".

S'il n'aime pas Beckett ("le néant planté en plein milieu de la pièce") ou Cioran, c'est parce que "certaines oeuvres soi-disant rebelles ne font qu'ajouter au chaos du monde". Même Baudelaire ne trouve pas grâce à ses yeux, parce qu'il est " l'exemple même de ces écrivains qui égarent parce que leurs erreurs sont mêlées à une beauté et un don incontestables". Il dit son admiration pour Rumi, "le poète des poètes", le grand maître de la mystique soufie du XXIIlècle siècle.

Il ne supporte guère les conventions du monde. Son regard distancié sur le monde d'aujourd'hui et la vie de ses contemporains est sans concession: "Il y a des endroits dans le monde dont la simple vue nous décolle l'âme tellement c'est triste: ce sont les endroits où l'argent a tué l'âme". Il n’est d’aucune école, n’a pas de disciples connus et se moque de ce que l'on pense de lui.

Son credo: la simplicité, l'humilité, la bonté. "Ma vision se nourrit de peu de choses: d'un peu de mousse sur un muret, de fissures entre les pavés". L'écriture est alors un voyage au coeur de soi-même: "Mon pays est minuscule: il fait vingt et un centimètres de large sur vingt neuf centimètres de long. ma région c'est la plage blanche et elle seule. c'est un beau pays couvert de neige toute l'année et parfois traversé de pluies d'encre". La musique, particulièrement celle de Bach ( "c'est une rose"), l'accompagne dans sa recherche de la vérité qui se confond avec l'amour. "La recherche de l'esthétique, de la beauté et de la perfection sont l'âme de l'écrivain. Sans quoi ce ne sont que de vulgaires marchands imbus d'eux-mêmes".


"Aimer quelqu'un, c'est le lire. Il y a plus de texte écrit sur un visage que dans un volume de la Pléiade". Cette déclaration d'amour sonne comme comme un couperet. Hostile aux dogmes de la théologie et aux systèmes philosophiques, ne déclare-t-il pas: "Les conversations les plus inouïes que j'ai connues, c'était en m'agenouillant à coté d'un enfant, de façon à ce que ma tête soit à la hauteur de la sienne".

Ecrivain mystique, poète Illuminé, diront certains. D'autres, au contraire, invoqueront " la simplicité et l'évidence de ses mots qui glissent à merveille des yeux à l'âme". L'âme d'un poète débordant d'amour pour la vie.

dimanche 1 février 2009

Mes stars à moi













A la manière de J. B. Pontalis, écrivain et auteur de plusieurs essais, dont "Elles" paru en 2007, je me suis laissé guider par les images des stars qui appartiennent à mon panthéon personnel.

Si je partage avec l'auteur le ravissement des longues jambes de Cyd Charisse et le regard teinté de tristesse de Romy Schneider, je n'ai pas d'attirance particulière pour Micheline Presle, Paulette Godard, Katharine Hepburn, Mireille Balin, Kim Novak, Ginette Leclerc, Suzy Delair, Danielle Darieux, Maria Schell, Andie Macdowell, Julianne Moore ou Sylvia Bataille. Question de génération sans doute! Question d'intimité cinématographique sûrement!


Louise Brooks, scandaleusement sublime dans Loulou de G.W. Pabst. L'égérie des années folles illuminait le cinéma d'avant-guerre.

La belle et émouvante Ava Gardner, inoubliable d'émotion à peine contenue, quand elle fait ses adieux à l'aimé dans "Show Boat" de Georges Sydney,
Judy Garland, admirable de sincérité dans "Une étoile est née" de Georges Cukor. Un morceau d'anthologie.
Cyd Charisse, bien sûr, dans sa longue robe à paillettes rouge fendue, talons aiguilles et gants noirs, au bras de Fred Astaire dans la comédie musicale de Stanley Donen, "Tous en scène".
Michèle Morgan se jetant dans les bras de Gérard Philippe dans le film "Les orgueileux" d'Yves Alléget; coiffée d'un béret, un châle autour du cou, dans un face à face avec Jean Gabin dans la noirceur de "Quai des Brumes" de Marcel Carné.
Ingrid Bergman, "Jeanne d'Arc" de Victor Fleming, Alicia dans "Les Enchaînés" d'Hitchcock, Charlotte dans "Sonate d'Automne" d'Ingmar Bergman et tant d'autres rôles inoubliables,
Julietta Massina, femme enfant, clown triste faisant la grimace au grand Zampano (Anthony Quinn) dans "La Strada". Pour sa fidélité au grand chef d'orchestre Fellini.


Liv Ullman, la lumineuse suédoise aux yeux clairs, donnant la réplique à Max Von Sydow et Gunnar Björstrand dans "La Honte" du grand Ingmar Bergman.

Romy Schneider, alias Sissi l'impératrice, auréolée de mystère dans "La mort en direct" de Bertrand Tavernier.
La blonde Catherine Deneuve, soeur cadette de Françoise Dorléac, la brune, révélée par "Les parapluies de Cherbourg" et "Les Demoiselles de Rochefort" du regretté Jacques Demy; elle a cotoyé les plus grands: Truffaut, Mastroianni, Bunuel, Polanski, Ferreri, Ruiz...; 50 ans de métier et toujours débutante.
Anna Schygulla, la "Lily Marleen" de Fassbinder, toujours aussi généreuse dans "De l'autre coté", du cinéaste turc Fatih Akin.
Monica Vitti, la muse d'Antonioni (L'Avventura, L'éclipse, le Désert rouge), une latine élégante à la beauté froide.
Emmanuelle Béart, son caractère un peu rebelle, sa solidarité aux cotés des sans-papiers et des enfants maltraités; quand elle s'appelle "Nathalie" dans le film d'Anne Fontaine, je craque.
Juliette Binoche, tantôt rieuse, tantôt sérieuse, elle passe de film en film avec dans les yeux l'intelligence du coeur.

Isabelle Carré, pour sa franche détermination, ses yeux parfois moqueurs, son parrainage du jeune Carlos avec "Un enfant par la main".

Sandrine Bonnaire, l'amie, la grande soeur, la cousine, l'amante, la réalisatrice de "Elle s'appelle Sabine"; elle fait passer tant d'humanité.
Scarlett Johanson, "La jeune fille à la perle", tout droit sortie d'un tableau de Vermeer, nouveau sex-symbol depuis sa prestation dans "Lost in Translation" de Sofia Coppola. Woody Allen ne peut plus s'en passer.

".... Et puis d'autres, que je n'ai pas envie d'appeler des actrices, moins encore des comédiennes, si lumineuses dans les salles obscures, connues de loin dans les divers temps de ma vie."

Je m'en suis fait du cinéma!

mardi 27 janvier 2009

L'appel de l'Inde (5)

Lors de notre voyage en Inde en 2005, nous nous étions intéressés au travail de développement en milieu rural conduit par le Capucin Krishik Seva Kendra, l'association Indienne qui pilote le Projet de notre filleule Vishalakashi à Ugire. Nous avons partagé pendant quelques jours la vie de l'équipe et nous avons pris la mesure du travail réalisé dans ce secteur géographique rassemblant une vingtaine de villages. Cette opération avait débuté en 1998 et nous étions les premiers parrains à nous rendre sur place. Fort de cet enseignement et encouragé par les responsables de l'association Indienne, nous avons eu envie de retrousser nos manches et de nous lancer dans cette aventure.



Nous sommes restés en contact avec le Capucin Krishik Seva Kendra qui se réjouit de cette initiative. L'un de ses anciens responsables, Fr Alwyn Dias, termine actuellement un doctorat à Paris; nous l'avons rencontré et il est venu à la maison en Décembre. Fr. Arun Lobo, qui dirigeait le Projet lors de notre séjour en 2005, a été promu responsable de l'ensemble des projets de développement de la Province du Karnataka. Ces contacts sont particulièrement précieux et directs. Nous avons en projet de mettre en oeuvre une nouvelle opération de développement dans un secteur très pauvre de la région Nord de la Province, à l'instar de ce qui a été fait depuis 10 ans à Ugire.

Premier temps: constituer un noyau de personnes pouvant apporter leur contribution à la mise en oeuvre et au développement de ce projet: utilisation des compétences, investissement personnel, participation financière,etc. TOUT EST A CONSTRUIRE ENSEMBLE, c'est l'idée forte que nous voulons mettre en avant en lançant cette initiative.

Deuxième temps: création de l'association: "ENSEMBLE, AGISSONS" qui prendra son envol le 2 mai prochain lors de l'Assemblée constitutive qui se tiendra dans le Beaujolais: objectifs, statuts, organisation, projets à court et moyen terme.

Troisième temps: nous rendre sur place (pour celles et ceux qui le souhaiteraient et qui en ont les moyens) pour rencontrer l'équipe locale et travailler ensemble. L'apport financier sera indispensable mais on peut imaginer que certains d'entre nous puissent apporter leurs compétences sur le terrain pendant un temps plus ou moins long. Pour notre part, nous envisageons de nous rendre sur place en 2010.

Tout cela s'inscrira dans la durée (5 à 10 ans). Nous nous adapterons à la demande et aux besoins des personnes que nous rencontrerons. Nous essayerons de rassembler le plus grand nombre d'énergies et nous communiquerons autour de cette action. Et puis nous verrons... Inch Allah!

Voilà ce que nous pouvons dire aujourd'hui. D'ici quelque semaines nous en saurons davantage encore grâce aux échanges que nous avons avec les responsables locaux.

vendredi 23 janvier 2009

Si c'était...


Si c'était un objet: un stylo
Si c'était une saison: l'automne
Si c'était un plat: le tajin
Si c'était une saveur: doux/amer
Si c'était un instrument de musique: le piano
Si c'était une couleur: sable
Si c'était un endroit: la campagne
Si c'était une devise: Ensemble, agissons
Si c'était une élément: l'eau
Si c'était un végétal: la fleur
Si c'était un bruit: une douce musique
Si c'était une planète: la Terre
Si c'était une matière: la soie
Si c'était un adverbe de temps: "maintenant"
Si c'était une partie du corps: les yeux
Si c'était une émotion: l'amour
Si c'était une oeuvre d'art: une peinture de Klee
Si c'était un sens: l'ouïe

Et si c'était le titre d'un film: "Le goût de la cerise", le film Iranien d'Abbas Kiarostami, Palme d'or au festival de Cannes 1996. Un conte philosophique sinueux, contemplatif, mais surtout un magnifique hymne à la vie.

mardi 20 janvier 2009

Le voyageur du temps


On le dit mondain, libertin, provocateur, trublion, mégalomane, égocentrique, asocial, ironique, prétentieux. On le porte au pinacle ou on le voue aux gémonies. On ne lui pardonne guère son passé de maoïste. On le dit ringard parce qu'il a une admiration sans borne pour la littérature des siècles passés. De Homère à Madame de Sévigné ("il n'y a rien de plus moderne que l'Odyssée d'Homère ou que la Divine Comédie de Dante")."Les citations sont des preuves". Elles font vivre la littérature. On l'aime ou on le déteste. Il s'appelle Philippe Sollers.


Ecrivain prolixe, essayiste, romancier, conseiller littéraire d'Edition chez Gallimard, il sait aussi être enjoué, attentif ( "être père c'est sacré"), charmant, drôle, mais le plus souvent insaisissable. "L'ami des fées" écrira André Breton. Ami de Jacques Lacan et de Roland Barthes, admirateur de Louis-Ferdinand Céline, cet homme de 65 ans, qui séjourne régulièrement à Venise ou à l'Ile de Ré, ne laisse personne indifférent. Sa devise: vite et bien: deux fois bien.

Il aime la musique, le jazz, Cécilia Bartoli. "On écrit avec l'oreille, on écoute, c'est de la musique. Ecrire c'est écouter. Dès que je lis un paragraphe, vous allez voir que tous les mots sont à leur place et qu'ils sonnent d'une certaine façon." Pour lui les mots sont des sésames qui ouvrent les portes de la vérité.

Il a horreur de la violence ("je vomis les militaires"). Il déteste les honneurs (citant Bracq: "L'Académie Française, c'est la permission à ceux qui sont morts de vieillir encore un peu"). La postérité l'indiffère: "On peut atteindre de son vivant une certitude, d'avoir touché là où il fallait". Il tient, sur la crise actuelle, des propos très pessimistes: " Cà finit toujours comme cela, par des guerres. On sent se rapprocher quelque chose qui exigera peut-être des millions de morts".

L'auteur de: "Une curieuse solitude" (1958), "Femmes" (1983), "Studio" (1997), du "Dictionnaire amoureux de Venise" (2004), "Une vie divine" (2007), vient de faire paraître son dernier ouvrage: "Les Voyageurs du temps", chez Gallimard, bien entendu. "C'est un livre qui apprend à résister à toutes les pressions sociales, d'où qu'elles viennent; tout ce qui peut briser l'indépendance ou la liberté." Son maître mot.

Nul mieux que Julia Kristeva, écrivain, psychanalyste, professeur, mais aussi son épouse légitime depuis plus de 40 ans, ne saurait mieux décrire ce travailleur infatigable: "C'est quelqu'un d'une intelligence unique par sa rapidité et son extrême mobilité. Ce qui le fait jouir ce sont les mots. Il y a des mots qui peuvent lui faire mal et d'autres qui l'enchantent."

- Est-ce que vous êtes amoureuse de lui?
- Cà ne se voit pas?

C'était dans "Thé ou café", l'émission de Catherine Ceylac, sur France 2 Dimanche matin. Passionnant.

vendredi 16 janvier 2009

La vie invisible

"L'artiste nous prête ses yeux pour regarder le monde." (Schopenhauer)


Musée haut, musée bas. Drôle de titre pour un drôle de film. Drôle, ce film l'est en effet grâce à une galerie d'acteurs épatants, à une mise en scène imprévisible et des dialogues percutants. Ce mélange savoureux d'absurde et de délires inspirés est signé Jean-Michel Ribes.

Homme de théâtre avant tout, c'est l'une de ses pièces, créée en 2004 au Théâtre du Rond-Point à Paris, qu'il adapte aujourd'hui au cinéma. Dans un musée imaginaire, arpenté du parking en sous-sol aux combles en passant par les galeries et salles d'exposition, s'entrecroisent les personnages les plus fantaisistes. Des dialogues créés sur mesure pour nos comédiens français: Gérard Jugnot, en chef de famille dépassé, Michel Blanc, en Directeur qui ne supporte pas la moindre présence végétale, Muriel Robin, en quête obsessionnelle de Kandinsky, Josiane Balasko, en mère abusive, Henri Demaison, Valérie Lemercier, et les non moins comiques: Fabrice Lucini, en gardien épuisé par la beauté qui l'entoure, André Dussolier, en ministre de la Culture inaugurant une expo de sexes masculins en veston rose, Pierre Arditi et Isabelle Carré, en couple désaccordé.

Des visiteurs populaires, des commentateurs intellectuels, des familles égarées, des gardiens consternés, des artistes prétentieux, des critiques radoteurs, des vierges échappées des tableaux de la Renaissance, des japonais frénétiques, cette galerie de portraits nous emmène d'une salle à l'autre, d'un étage à l'autre au rythme d'une visité effrénée, avec ses hauts et ses bas, mais surtout nous dévoile les travers d'une comédie humaine en manque de repères. Une sorte de mosaïques de vies au milieu de l'art", proclame Jean-Michel Ribes.

Satire du tourisme culturel de masse (Ah! ces jeunes qui se précipitent en hurlant dès que leur professeure les invite à respecter le silence), ce huit-clos absurde épingle en particulier l'art contemporain dans sa démarche conceptuelle. La scène où l'artiste tue sa mère abusive en direct sous couvert de créer l'oeuvre dans l'oeuvre est ironique à souhait et quand ce sont les spectateurs eux-mêmes qui deviennent l'objet même de l'oeuvre exposée, on est au coeur de la provocation. Cocasse, farfelu, cruelle ou surréaliste, cette fable qui traversent les esthétiques, les comportements et les genres est un délire permanent à la Tati. Elle peut être aussi l'occasion d'entamer une réflexion sur la fonction de l'art.

En marge des inévitables débats et polémiques que ne manqueront pas de susciter les mesures nouvelles prises par notre Président à l'occasion de ses "voeux à la Culture", l'accès gratuit, à compter du 4 avril prochain, aux musées et monuments de l'Etat ( Du Louvre au Mt St Michel) pour les moins de 25 ans et leurs professeurs est une mesure salutaire. Car l'art ne se contente pas de reproduire le monde, il cherche à exprimer cette force et cette vie invisible que nous sommes.
"Est beau ce qui procède d'une nécessité intérieure de l'âme. Est beau ce qui est beau intérieurement.” (Kandinsky)

mardi 13 janvier 2009

Elles

Elles,
ce sont: celle qui échappe, celle qui s'accroche, les passantes, les étrangères, les séductrices, les séduisantes,les inconnues... passions dévorantes, chastes amours, séparations, déclins, si bien contés par J.B. Pontalis dans une succession de courts récits, à la fois légers et profonds qui se font écho et font écho à nos petites et grandes histoires qui disent toutes le bonheur et la douleur d'aimer.

Voici deux récits qui donnent le ton de l'ouvrage (Editions Gallimard 2007):

Le Pont neuf
"Alors les amoureux?". ils traversaient le pont Neuf. Un passant les avait croisés. Ca se voyait donc tant que cela qu'ils étaient amoureux au point de sauter aux yeux de ce vieil homme d'allure débonnaire. Il leur avait adressé un sourire complice. Peut-être avait-il souri à sa propre jeunesse évanouie. Pourtant ce n'était plus des jeunes gens. ils n'étaient pas enlacés, ils n'échangeaient pas un baiser, ils marchaient tout simplement.
Y aurait-il eu quelque chose de lumineux dans leur regard, de vif et de confiant dans leur pas?
Ce moment-là, il ne l'a pas oublié, il ne l'oubliera jamais. Maintenant c'est lui le vieil homme et, quand il lui arrive de traverser le pont Neuf, lui revient le souvenir de ce jour lointain, et il se dit à lui-même: "Alors, les amoureux!"
Sa chanson préférée: "Que reste-t-il de nos amours?"


Est-ce un si grand malheur?
Dans la maison que nous avons loué pour l'été, quelques livres abandonnés par son propriétaire: des romans parcourus sur la plage - des grains de sable se sont glissés entre les pages -, des écrits d'hommes politiques dont les noms ne disent déjà plus rien à personne, une dizaine de polars et, surprise, le théâtre de Sophocle, dont après tout, bien des pièces peuvent être tenues pour des enquêtes policières.
Je relis Antigone, l'histoire de cette jeune fille insoumise qui refuse que son frère soit privé de sépulture.
Tout à l'heure, j'ai évoqué des rêves où apparaissaient mes parents morts, mes amis disparus, j'ai pensé à celui que j'ai nommé l'enfant des limbes et je me dis que mes rêves leur tiennent lieu de sépulture, comme si je retardais ainsi le moment où ils seraient réduits en poussière.
Antigone n'aurait-elle fait que changer de tyran?
Il se nommait d'abord Créon. il s'appelle désormais la mort.
Je ne veux pas me soumettre à cette tyrannie-là. Elle s'exerce sans pitié sur les survivants.
Il y a quelque temps, j'assistai à une représentation de Phèdre à la Comédie-Française. Un vers de Racine m'est resté en mémoire: "Est-ce un si grand malheur que de cesser de vivre?"
Ces mots-là, j'aimerais les prononcer à mon tour, le jour où... Ce serait ma manière de décevoir la mort, d'amoindrir sa victoire, son triomphe: Tu te crois la plus forte, tu crois que tus m'infliges une défaite qui me rend fou de douleur, tu te rejouis d'avance de plonger dans le chagrin ceux que j'aime et qui m'aimaient,et, moi, je te déclare: tu te trompes, tu n'es rien, et, même si je n'y crois qu'à demi et, à dire vrai, pas du tout, je te murmure ces mots, et tu les entends, je le sais: "Est-ce un si grand malheur que de cesser de vivre?"

PS: Jean-Bertrand Pontalis, membre de l'Association psychanalytique de France, est l'auteur de plusieurs essais et récits dont "Le dormeur éveillé" (Editions Folio, 2004)